Le duo Fauche-Leturgie aura été au scénario de 8 tomes de Lucky Luke entre 1982 et 1996, toujours avec l'éternel Morris présent lui depuis les années 40 (!). Ce sera donc le duo de repreneurs le plus prolifique après Goscinny...et comme on pouvait le craindre les tomes sont dans l'ensemble sans saveurs. Sauf ce Pony-Express !
Alors pourquoi celui-ci sort-il du marasme ? Sans spoiler, il est ici question de grande traversée héroïque de l'Ouest. D'un cow-boy (Lucky Luke) à cheval (Jolly Jumper), se battant contre divers ennemis (gangsters, indiens) mais surtout contre le temps pour acheminer du courrier à l'autre bout du pays. Car c'est une course contre la montre folle dans laquelle s'est lancée LL, le rythme de la deuxième partie de l'album est d'ailleurs très enlevé et nous tient en haleine.
Ce qui contraste avec un début d'album un peu mollasson et sans grand intérêt scénaristique ni humoristique. Il est intéressant de noter que Lucky Luke prend ici le partie de s'opposer au chemin de fer (la Pacific Railways), alors qu'il avait plutôt défendu le projet dans Des rails sur la prairie. Comme quoi notre cow-boy préféré défend avant tout la cause du faible et de l’honnêteté, avant toute cause sociétale.
Assez peu de persos marquants, un album de cow-boy solitaire où il prend pleinement ses responsabilités et ne restreint pas à un rôle de joker de luxe qu'on a souvent pu voir dans certains albums passés.
Graphiquement des scènes très intéressantes de chevauchées nocturnes et diurnes (planches 26, 29 et 38), et des scènes de tir du plus bel effet (planches 4, 28 et 33).
Malheureusement un album entaché par une première moitié de récit trop lente, qui manque de relief, et à l'humour douteux.
Au fond, le plus beau dans cette histoire est son caractère désuet, quasi anachronique au moment même où le projet du Pony-Express s'est lancé. L'entreprise aura duré une bonne année (1960-1961), ne pouvant pas lutter contre le rouleau compresseur du chemin de fer ou l'arrivée toute récente du télégraphe. Qu'importe cela permet aux scénaristes de jouer avec un moment de l'Histoire de l'Ouest épique bien qu'anecdotique ; ou quand la légende dépasse la réalité historique. Nul doute que Goscinny se serait emparé du sujet si le destin en avait décidé autrement.