Vous êtes des assassins !

Si le Tour de France fascine encore les foules (malgré les scandales) c’est en partie grâce à sa mythologie et les premiers tours y occupent une place de choix. Au sein de cette mythologie, Nicolas Debon a choisit de s’intéresser au Tour de France 1910 dans cette bande dessinée intitulée “Le Tour des géants”. Une édition qui occupe une place de choix dans la légende car elle fut taillée pour les démiurges avec un Tour DE LA France (on prend même le soin d’aller à Metz qui est en territoire allemand depuis 1871), des étapes à rallonge (424 km pour la plus longue), parfois de nuit, et des conditions dantesques. Mais surtout c’est la première fois que le Tour explore la haute montagne avec comme point d’orgue la 10ème étape qui voit les coureurs s’élancer pour 326 kilomètres de Bagnères-de-Luchon à Bayonne en traversant les Pyrénées avec notamment au programme l’ascension de 7 cols dont le col d’Aspin, du Tourmalet et de l’Aubisque ! C’est d’ailleurs au sommet de ce dernier que Octave Lapize lancera aux officiels cette réplique qui restera dans les annales du Tour :

“ASSASSINS… VOUS ÊTES DES ASSASSINS !”

Dans cet enfer, seule une trentaine de coureurs ont la chance de faire partie d’une des 3 équipes (Alcyon, Le Globe, Legnano), les autres nommés les “isolés” doivent se débrouiller seuls.

Tous les ingrédients sont là pour narrer une grande aventure et Nicolas Debon (scénario & dessins) s’y emploie avec talent, son trait s'accommodant parfaitement à ce début de 20ème siècle. Il parvient à distiller le suspense nécessaire car pour qu’une édition du Tour reste dans la légende il faut aussi de la dramaturgie, des rebondissements, de l’audace et un duel de champions. François Faber et Octave Lapize furent les protagonistes de ces moments qui forgent la légende et Niké et Fortuna ont joué avec nos deux “géants” distribuant les cartes de la victoire et de la mauvaise fortune au gré de leurs envies jusque dans les derniers soubresauts de la course. 110 coureurs cyclistes s’étaient élancés de Paris, 41 demi-dieux y reviendront.

Et comme un ultime acharnement de la vie, beaucoup de ces athlètes qui auraient pu encore “s’expliquer” longtemps sur les routes et les vélodromes se trouveront bientôt projetés dans les affres de la Grande Guerre...

Une édition 1910 tellement passionnante qu’on aurait aimé que l’histoire soit plus étoffée mais rendons grâce à Nicolas Debon d’avoir su retranscrire l’épopée de ces pionniers qui accomplirent - il y a plus de 100 ans - un véritable Tour des Géants.

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