Le Trombone illustré par aaapoumbapoum
L'histoire du neuvième art ne compte pas beaucoup d'anecdotes édifiantes, de figures mémorables ou d'odyssées périlleuses à son palmarès. Le dessinateur est un solitaire à l'extravagance contenu, la BD un artisanat fabriqué dans les caves. Mais s'il est une parenthèse à même d'illustrer la douce folie de cet art souterrain, c'est bien la courte période du Trombone illustré. Véritable parasite du magazine Spirou, venu troubler l'ordre religieux de la maison belge Dupuis, ce supplément de quelques pages va, au milieu de 1977, être le repaire d’une éphémère insurrection de trente numéros. La liberté d'expression y prend ses marques, et fleurissent les premières bandes dépressives de Franquin (Les Idées noires), les élans progressistes, quoique sages, du rédacteur en chef Yvan Delporte. Certaines grandes figures d'aujourd'hui y font leur premiers pas, d'autres s'invitent pour soutenir ce projet. Le plus étonnant, rétrospectivement, est le caractère utopique qui s’en dégage. Là est son charme : le trombone ne tranche jamais entre la révolution engagée du politique adulte et l'insubordination attendrissante de l'enfant qui se satisfait d'avoir fait tourner en bourrique ses parents. La responsabilité des lectures jeunesses, la pression morale des éditeurs, est trop forte. Pour faire face, la bande dessinée n’a qu’un hymne : "Trombone à coulisse, tu as le cou lisse! Trombone à piston, dis-moi où..." Mais nombre d'adultes l'entonnent encore. Dommage, dès lors, que les éditions Dupuis n’aient pas jugé utile de soigner la fabrication de cette ruineuse mais indispensable réédition.
S; Bapoum pour les Inrockuptibles
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