Quelle histoire! Histoire de l'oeuvre en elle-même, mais également de sa création et son arrivée jusqu'à nos contrées.
C'est très étrange de lire ce livre (? Manga? BD? Emonogatari?) après avoir vu tous les films de Miyazaki (sauf le chateau de Cagliostro, pas évident à trouver) au fil des années, où on retrouve beaucoup d'idées de décors, de thèmes, de personnages... qui seront réutilisées plus tard, avant!
Et sinon, qu'est-ce que ca vaut? Je dois admettre que je ne suis pas autant emballé que de nombreux commentateurs, même si j'ai apprécié cette oeuvre. En fait, j'ai l'impression d'un accueil dithyrambique plus du fait des circonstances que de la qualité, réelle, qui m'apparait d'ailleurs de plus en plus, de la BD.
On reconnait indéniablement la patte de l'artiste, toute l'âme bucolique, sereine, nostalgique qui a fait le succès de Miyazaki est déjà là. Comme quoi, pas la peine d'en faire des tonnes avec des dessins travaillés à l'extrême. Oui, les dessins sont moins détaillés que dans les films, et je trouve que, dans certains cas, cela sert l'esthétique, pour les paysages en particulier. Par contre, là où je suis fasciné par le chateau ambulant, Laputa, les cuirassés volants des Tolmeks et tout un tas d'autres monstres et machines de l'imaginaire de Miyazaki mus par une espèce de chaos ordonné si puissant émotionnellement, ici je n'ai rien retrouvé de tel.
En ce qui concerne l'histoire et la narration, je suis partagé également. On suit Shuna, qui vit un périple avec une structure globalement classique et pas terriblement alléchante. Son peuple peine, il entend parler d'une solution miracle, et décide de partir pour faire ses preuves. Le génie de Miyazaki, comme toujours, est d'en faire un récit nuancé. J'ai dit que le héros veut faire ses preuves, mais est-ce par égo, par sentiment de devoir envers son peuple, de ras-le-bol? A t'il d'autres raisons, ou plusieurs à la fois? On ne saura pas, en tout cas, l'auteur nous laisse nous poser la question et y répondre.
Ce qui m'amène au talon d'Achilles du Voyage de Shuna. Il y a beaucoup de texte, beaucoup trop. On a tellement de si beaux dessins, pourquoi ne pas les laisser raconter l'histoire? Si souvent je me suis arrêté dans ma lecture et dit "A quoi sert cette phrase, le dessin permettait déjà de comprendre cela! Et tellement plus!", ou alors "Il aurait suffit d'une case avec un croquis très simple pour que l'on comprenne cette phrase!". J'imagine que cette narration particulière fait partie du genre littéraire, mais je trouve cela terriblement dommage. Là où les dessins peuvent laisser une grande place à l'interprétation, à la nuance, à l'émotion, le discours froidement factuel du narrateur gâche un peu l'expérience.
J'en aurai presque oublié de dire: quelle délire! Je ne dis pas ca négativement, bien au contraire. A chaque fois qu'un auteur écrit quelque chose d'aussi fou, dans ce cas la Lune qui va alimenter d'humains un truc vivant informe qui va les recracher sous forme de géants verts pour semer des graines magiques, et que tout est si bien fait qu'on arrive à croire à ce qu'on voit, à chaque fois que je me rends compte qu'une invention si saugrenue fait partie d'un tout cohérent, je souris. Je ne parle pas d'un simple sourire, mais d'une profonde satisfaction, viscérale, de voir que ce monde absurde ne l'est pas plus que le notre.
Ha! Je viens de comprendre pourquoi j'aime tant Ubik!
Mais bon, la prochaine fois, moins de blabla et plus de place à l'imagination! Allez Miyazaki, hop, au boulot!