J'ai éprouvé avec ce livre des rêves les mêmes difficultés qu'avec un film en noir et blanc ou un texte en ancien français : mes yeux voient les courbes, les traits, les couleurs, le texte... mais mon cerveau peine à les reconnaitre, à construire du sens, car la grammaire visuelle, l'organisation, la typographie sont un langage à décrypter. On se retrouve un peu en langue étrangère, comme face à un nouveau style de BD.
Par contre, une fois qu'on entre dedans, c'est un festival de personnages, de situations souvent angoissantes, on retrouve la gêne et le plaisir face à l'étrangeté des rêves. Un lieu unique, le lit de Némo, et une fenêtre, son esprit qui rêve, tournée vers un monde extérieur fantasmé.
C'est simple, beau, effrayant.
La petite morale lancée par les parents, toujours la même, "tu n'aurais pas dû le laisser manger gras/sucré/beaucoup" etc. m'a beaucoup fait rire. A la fois accusatrice, envers l'autre et l'enfant, définitive (après avoir dit ça, qui ira creuser les véritables peurs exprimées par le cauchemar ?), c'est une fuite de l'adulte qui catégorise, rationnalise - sans prendre le temps, au passage, de consoler, de rassurer. Ne reste plus à Némo qu'à trouver lui-même le sens de ses cauchemars.