Où l'on retrouve un certain marin, au milieu des brumes et de la folie des hommes

C'était la seule BD d'Hugo Pratt présente dans le CDI du lycée technique dans lequel je me suis retrouvé pour une formation de technicien grâce à pole-emploi. Et c'était un des seuls albums de Corto Maltese que je n'avais pas lu. Donc si j'ai lu cette BD, c'est grâce à Hugo Pratt, la gestionnaire des collections de ce CDI et pole-emploi.
Comme dans les Ethiopiques, c'est une série de petites histoires mises en bulles avec plus ou moins de brio et ayant pour personnage commun le grand et beau marin maltais. Par contre, une seule histoire traite des mythes celtes, mais quelle histoire ! Obéron le roi des elfes essayant de convaincre Merlin, Morgane et Puick d'empêcher les saxons d'envahir une nouvelle fois l'angleterre, il fallait y penser. Hugo Pratt avait envie de parler de la première guerre mondiale, de la culture celte, et de s'amuser à mettre son personnage préféré au milieu d'intrigues qui le laissent indifférent, où les seules choses qui l'intéressent, outre sauver sa peau, sont l'or et les yeux d'une femme. D'une femme qui veut la même chose, s'en sortir, riche si possible, avec le sang de Corto sur les mains si besoin.
C'est en ça que les Tintins, Astérix, Lucky Luke et autres Spirou font bien pâle figure à côté : les femmes ont une vraie place, les thèmes abordés sont bien plus profonds, la mort, le voyage, le sens de la vie, si elle en a un, la guerre, l'autre. Les dialogues n'ont rien en commun, si ils s'éparpillent souvent dans des détails, ils apportent une poésie rare, une finesse extrême, renforcée par les traits beaux et simples des personnages, leurs yeux en amande et la coupe élégante des habits de Corto.
Il a une boucle d'oreille, les fringues les plus cools, il a toujours le dernier mot, sort les meilleures vannes, il se fiche complètement des honneurs militaires ou des orgueils des nations.
Que demander de plus ? Pas besoin de couleurs, la vie suffit.


Je ne suis pas bien rentré dans l'histoire de la bataille de Caporetto en octobre 1917 "sous le drapeau de l'argent", ou il est question de mettre la main sur le trésor du roi du Monténégro, mais les autres histoires m'ont beaucoup touché, la ballade irlandaise notamment, où chaque personnage est plein de nuances, à la manière d'un "il était une fois la révolution" de Sergio Leone.
Concert en O mineur pour harpe et nitroglycérine. Rien que le titre.


L'histoire avec le baron rouge est amusante aussi, un petit aviateur qui ne faisait que son travail pour faire plaisir à son pays et à sa maman.
Hugo Pratt s'amuse à mettre Corto Maltese dans les coins des livres d'histoire sur la première guerre mondiale, et à le laisser passer d'une page à l'autre, se moquant des fâcheux, des orgueilleux et des imbéciles, toujours prêts à tuer et à mourir sur un ordre de leurs supérieurs. Pour quoi exactement ?


Sans conteste l'un des albums les plus fouillés et les plus politiques d'Hugo Pratt.

VincentJ
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le 26 févr. 2016

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VincentJ

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