Lily Love Peacock par Nina in the rain
Lily est mannequin : décalage horaire, regard des hommes et haine de son prochain forment son quotidien. Et William, fashion-victim, est vendu avec.
Lily est chanteuse. En elle vit son père, vétérinaire dans la brousse. Et son grand-père, vadrouilleur. Et sa grand-mère, amoureuse. Et Pierre, beau fermier, fait partie du lot.
Comment composer avec ces deux personnalités quand on a vingt-cinq ans et qu'on ne sait pas très bien où on en est ?
Depuis La tendresse des crocodiles, on sait que Fred Bernard aime à prêter à ses personnages féminins des caractères bien trempés. Ici, on découvre une jeune fille sûre d'elle, débrouillarde, mais pourtant sérieusement paumée dans sa vie de mannequin. Elle est tiraillée entre ses souvenirs d'enfance dans la brousse et son présent hyper-sophistiqué sur les podiums des grandes capitales, entre une vie naturelle et une autre artificielle. L'histoire, rythmée par des chansons de l'héroïne, est construite avec minutie, entraînant le lecteur dans une longue ballade dont il est difficile de décrocher.
Ce sentiment est amplifié par le dessin de Fred Bernard, nerveux et précis tout en laissant une grande part à l'approximation, fenêtre ouverte à l'imagination. Entre personnages esquissés et double-pages sur la nuit new-yorkaise fourmillant de détails, son trait expressif n'appartient à aucune école prédéfinie, ne rappelant que lui-même et ne faisant référence qu'à une certaine réalité. Point n'est besoin de couleur pour sentir la vitalité et la joie de ces planches qui fleurent bon les rêves de jeunesse.
Un album extrêmement réussi, qu'on ne lâche qu'avec peine, une boule dans la gorge. Mais ce n'est pas de tristesse face à un sort mauvais, c'est de joie devant la beauté et la simplicité du récit. Encore, s'il vous plaît, monsieur Bernard, donnez-nous vite la suite de l'Ivresse du poulpe, si elle est seulement moitié moins enivrante que cet album ce sera encore un bijou.