Cette critique vaudra pour toute la série. Loisel nous offre une préquelle à l'univers de James Matthew Barrie extrêmement sombre - la féerie de l'univers de Peter Pan côtoie la cruauté Victorienne d'un bout à l'autre du récit. Et pourtant, cette adaptation est bien plus adéquate que les films Disney et autres (même si je les aime bien). En effet, si on a lu Peter Pan, on sait que sous ses faux airs de conte pour enfant c'est un univers cruel, où Peter n'hésite pas à tuer les enfants qui grandissent ou à couper une main pour la jeter en pâture à un crocodile (ça en fait tout le monde le sait, mais personne ne prend le temps de visualiser une telle scène).
On retrouve tous les thèmes abordés dans le livre originel, avec plus de réalisme, de cruauté et de noirceur - ou plutôt plus de mise en valeur de ces aspects. Des années après l'avoir lu, certains passages de cette série de BD me mettent encore mal à l'aise en se remémorant à moi. La naissance de Peter Pan, des Enfants Perdus, du Capitaine Crochet... Tout ça s'est fait dans le sang et les larmes, et il ne pouvait en être autrement quand on y pense, n'est-ce pas ? Peter Pan n'est jamais qu'un enfant sans mère pour l'aimer, tout comme ses Enfants Perdus qui sont vraiment PERDUS ; et Clochette, Clochette rongée par la jalousie, ne nous sommes-nous jamais demandé ce qu'il serait arrivé à Wendy si toutes ses tentatives vengeresses avaient fonctionné ? On en a un aperçu ici.
La fin m'avait semblé un peu soudaine (en plus d'être traumatisante), comme si Loisel avait voulu en finir vite et se débarrasser de ce fardeau, mais après tout pourquoi retarder l'inévitable ? Bien assez, peut-être tout, avait déjà été raconté, exploité, analysé. S'en remettre à la réflexion et à l'interprétation du lecteur (qui pour apprécier la subtilité des différentes démarches artistiques doit avoir lu Peter Pan (le livre)) est une solution appropriée, car non ce n'est pas pour les enfants, et seuls les enfants ont besoin qu'on leur explique tout. Qui plus est la noirceur de l'enfance est inexplicable (regardez le film Max et les Maximonstres), du moins pas avec des mots. Des images féeriques couplées à une histoire sombre et brumeuse telle le Londres Victorien sont bien plus convenables.
Un chef-d'oeuvre (terme que je ne vulgarise jamais), dérangeant et terriblement adulte, trop adulte peut-être, qui ébranle les idées reçues quant au mythe de Peter Pan, mais qu'il ne faut pas hésiter à lire. C'est le genre d'oeuvre qui change réellement la vision des choses, qui leur donne une nouvelle perspective ; une oeuvre qui nous montre la réalité dans ce qu'elle a de plus malsain, dans un monde onirique, un monde où l'on voudrait fuir mais qui au fond n'est que le reflet de ce que l'on fuit - ce qui n'est en fait ni plus ni moins que ce que faisait l'oeuvre de James Matthew Barrie.
À déconseiller aux dépressifs et aux moins de 15 ans. À recommander à tous les autres. Il ne faut pas passer à coté de ça.