Deuxième scénario complet signé Goscinny et de nombreux enseignements !
Après avoir pris un virage progressiste et historique avec l'avancée du chemin de fer dans Des Rails sur la Prairie, Goscinny reprend la tradition Morris à savoir le développement de desperados ayant existé ou pas. On a eu Pat Poker et sa bande, les Dalton dans Hors-la-loi, Phil Defer, voici Joss Jamon et son gang. Et René se fait de suite un petit plaisir en reprenant ses attributs physiques pour le personnage de Pete l'Indécis décrit comme un "homme rusé qui a reçu son surnom en changeant de côté plusieurs fois pendant la guerre, au hasard des batailles". Révélateur de la personnalité de l'auteur ? Certainement même si cela demande une fine connaissance du personnage, que certains contributeurs de SC ont sûrement :-)
Pour aller droit au but, l'album se lit bien et Joss Jamon est une belle crapule, le côté gang est très plaisant. Mais, autant sur de nombreux albums Dargaud on peut penser que les 44 planches sont trop peu nombreuses pour contenir la richesse des scénarios (Dalton City, Canyon Apache), autant là l'histoire s'étire un peu. Des micros évènements (notamment dans la deuxième partie du récit) sont d'un apport tout relatif : les deux bagarres en mode bis repetita (planches 26 et 29), la venue de tout le gratin des desperados de l'Ouest au jugement de Luke (planches 31-33) l'utilisation du canon (planches 37-38). Le fait de ne pas encore avoir trouvé le bon dosage des histoires à 44 planches ?
Ce sentiment d'histoire décousue bien que linéaire et un poil étirée n'enlève en rien l’existence de très belles pépites sur une ou plusieurs cases qui rendent cet album particulier. En ne retenant que les meilleurs : Bill le tricheur qui fait 13 aux dés (planche 7), le discours excellentissime de Joe le Peau-Rouge à la fin de l'album (planche 39) qui nous avait uniquement distillé des Ugh! ou encore la plus belle punchline d'attaque de banque par Joss Jamon himself (planche 9) dont il est de bon ton de la réécrire ici (même si avec les dessins...bah c'est franchement mieux!) :
Joss Jamon : Vous êtes le banquier ?
Le banquier : Oui, Smith, Président, fondé de pouvoirs, caissier et employé de la banque, pour vous servir...
Joss Jamon : Si le Président et le fondé de pouvoirs veulent bien dire au caissier d'ouvrir le coffre...sinon je serai obligé de brusquer l'employé...
Enfin le sujet des élections reviendra souvent dans les albums de Lucky Luke comme dans Ruée sur l'Oklahoma ou encore l'Empereur Smith.