C’est ma première critique SC et j’ai un peu le trac d’expliquer par A + B pourquoi cette histoire en deux parties a été une vraie claque. C’est pas très objectif. Je ne suis pas calée en BD. Je ne vais donc pas m’atteler à replacer Etienne Davodeau dans le courant des bédéistes du 21ème siècle ni à m’épancher sur le style graphique. De prime abord, je crois que je n’ai même pas accroché avec l’esthétique des dessins, pourtant habituellement essentiel dans mon appréciation d’une œuvre de bande dessinée.
Ce qui m’a pris aux tripes avec Lulu Femme Nue, c’est la lente découverte des raisons de l’errance de cette femme quarantenaire issue probablement du bas de la classe moyenne française. L’histoire a parlé à ma subjectivité, elle a tapé juste dans mes insécurités et mes peurs. Au fil des deux albums, les différents éléments nous sont amenés par touche, à travers le récit croisé de différents ami-es et membres de la famille de cette Lulu. Page après page, on comprend comment le quotidien d’une femme, épouse et mère de famille, peut être assassin. Il tue l’envie, l’indépendance, le désir, le rire. Il tue l’individualité. Lulu s’est fondue dans ses enfants, dans son mari autoritaire, dans son quotidien maternel. Elle ne sait plus qui elle est, ce qu’elle aime, ce qu’elle veut. Lulu est perdue. Un énième refus d’embauche, après plusieurs années à s’être consacrée à l’éducation de ses enfants, conduit Lulu a tout envoyé balader. Lulu s’en va avec une inconnue. Elle plaque tout pour le bord de la mer.
Je crois que ce qui me plait le plus dans cet ouvrage c’est le paradoxe d’une histoire à la banalité écrasante mais dont on accorde peu de place dans les œuvres littéraires. J’ai beaucoup lu, mais je réalise que je manque cruellement de modèle fictionnel de femme forte de l’ordinaire. Lulu Femme Nue, c’est le refus rare d’une femme face à l’ennui de son quotidien dont tant d’épouses et mères de famille doivent faire l’expérience. Lulu Femme Nue c’est la possibilité de dire non quand tout nous pousse à dire oui. Lulu Femme Nue c’est le récit à la fois si banal et si extraordinaire d’une femme qui parvient à s’extraire de l’ennui d’une vie d’obligations. Et ça, quand on est une jeune femme qui pose tout juste le pied dans la vie d’adulte, ça donne la patate.
« Mais la petite discussion qu’elles ont eue la veille lui a suffi pour comprendre un truc très simple : Virginie est en train de se noyer dans l’ennui. Ce même ennui auquel votre amie Lulu vient d’échapper. »