Magasin général : Premier cycle par Nina in the rain
Notre-Dame des Lacs est une petite, toute petite bourgade au fin fond du Québec. On y trouve quelques familles, les Ouelette, les Godberge... et un nouveau curé. Son premier grand prêche sera pour l'enterrement de Félix Ducharme, qui tenait le Magasin général, le centre de la vie du village. Marie, sa veuve, reprend l'affaire, mais elle est toute seule, et c'est bien difficile. Surtout lorsque tout le monde a pris l'habitude de lui marcher sur les pieds, de se servir d'elle pour exécuter les mille menus travaux que les habitants ne veulent ou ne peuvent pas faire eux-même. Abrutie de travail, la jolie Marie va-t-elle garder le magasin ouvert ? »Is it Loipp ? Is it Trisel ? No, it's Magasin Général ! » Lorsque deux auteurs bien connus du grand public s'associent pour écrire un scénario puis le dessiner à quatre mains, le résultat est au minimum intéressant. Mais sur Magasin Général le travail a été fait bien plus en profondeur : Régis Loisel a fait la mise en place des personnages, et les crayonnés préparatoires des planches, qui ont ensuite été entièrement dessinées par Jean-Louis Tripp. De la même manière, sur une idée originale du créateur de La Quête de l'oiseau du Temps, le papa de Paroles d'Angesa mis des mots. Et quels mots ! On savait que les québécois ont l'accent qui chante, mais à l'écrit ça dézingue à tout va ! Expressions savoureuses, petits mots bien de là-bas, jurons brillants... sans jamais passer pour de l'imitation hasardeuse ou de la moquerie d'expatriés, la langue des habitants de Notre-Dame des Lacs rayonne de bonheur, et donne le sourire à elle toute seule. Heureusement d'ailleurs, parce que l'histoire qu'elle raconte n'est pas des plus gaies. La vie au village, dans les années 40, reste difficile et pleine de racontars, et les habitants ne suivent pas facilement les préceptes de leur curé. Banale cruauté quotidienne qui s'abat sur l'héroïne, trop gentille.
Graphiquement, l'association des deux auteurs fait des étincelles. Loin de perdre leurs particularités, l'alchimie fonctionne parfaitement, et on retrouve les personnages truculents de Loisel, leurs trognes, leurs « gueules » adoucies par les couleurs de Tripp, par son trait un peu plus anguleux aussi... Le dessin est dynamique, bien léché, faisant replonger le lecteur dans le monde des familles de trappeurs qui, détail amusant, sont environnés de mouches à leur retour du bois.
Que du positif, donc, sur ce nouvel album, longuement attendu par les fans depuis l'annonce par Loisel de sa mise en chantier. Hymne à la vie et au bonheur plus qu'étude approfondie des mœurs québécoises de la moitié du XXème siècle, ce premier album augure bien du reste de la série, et montre que, dans la Belle Province, le froid n'empêche pas les auteurs de faire des merveilles !
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