Pas de fond, pas de rythme, pas d'empathie...

La bande-dessinée se démocratise. Plus adulte, moins décriée, elle attire désormais des lecteurs qui n’y auraient pas jeté un seul regard auparavant. Les éditeurs l’ont compris et confient de plus en plus de scénarii à des personnes extérieures. Ce coup-ci, c’est François Bégaudeau (scénariste, écrivain, critique, etc.) qui s’y colle avec « Mâle occidental contemporain », un one-shot de 80 pages. Afin de soutenir l’effort, on retrouve au dessin Clément Oubrerie. Le dessinateur m’avait séduit avec « Jeangot » et a séduit un plus grand public encore avec la série « Pablo ». Le tout est édité chez Delcourt dans la collection Mirage.

Curieux ouvrage que voilà. On suit plus ou moins l’histoire d’un jeune homme cherchant à draguer. Mais aucun background n’est donné, ce n’est qu’une succession de saynètes où l’homme se fait émasculer (métaphoriquement) par des femmes fortes pleines de caractère. Beau retournement de situation où la femme moderne maîtrise le mâle. De là à dire que ce retournement est crédible, il y a un pas que je ne franchirai pas…

Retourner les clichés de la drague pourrait être pertinent s’il y avait un message. Mais ce n’est pas le cas. Notre homme ne suscite aucune empathie. Le voir draguer pour draguer n’a aucun intérêt. Le scénario prouve ici sa vacuité : pourquoi drague-t-il ? Que cherche-t-il ? On a l’impression d’être devant des sortes de gags montrant un mec cherchant à draguer par tous les moyens. Et cela ne fonctionne pas. La redondance finit par ennuyer et, finalement, on sourit peu devant les situations, très inégales.

Du coup, l’ensemble manque de rythme et la conclusion n’apportera aucun message supplémentaire (et donnera même une impression encore plus négative). Tout est convenu et cliché, un comble ! Car il y a une volonté de montrer que le féminisme a fait son œuvre ! Le tout est bien évidemment baigné dans un parisianisme de tous les instants. Difficile d’imaginer ce genre de situations autre part qu’à Paris. Plus qu’une étude du « Mâle occidental contemporain », le livre est plutôt une étude des Parisiennes.

Concernant le dessin, Clément Oubrerie nous ravie de son trait. A se demander ce qu’il est allé faire dans cette galère… Je préfère de loin son trait anthropomorphe, mais force est de constater qu’il relève le niveau sans peine. Hélas, avec un ouvrage où il ne se passe pas grand-chose et où le rythme est problématique, il n’y a pas de miracle non plus.

Il faut croire que les éditeurs pensent que n’importe quel écrivain/scénariste/journaliste/humoriste peut écrire une bande-dessinée. C’est nier complètement la spécificité du scénario de bande-dessinée. Les écueils sont flagrants ici : manque de fond, manque d’empathie, manque de rythme… Il faudrait arrêter d’essayer de toucher le grand public avec des noms, mais plutôt avec des œuvres de qualité.
belzaran
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le 14 janv. 2015

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