Dès les premiers volumes, Monster impose le respect aussi bien par ses qualités narratives que par les thèmes qu'il aborde.
Les qualités narratives d'abord. Monster est absolument passionnant. Tout au long de ses 18 volumes, l'action va à un rythme effréné. Aucun temps mort, très peu de digressions. Si l'histoire semble prendre parfois un chemin différent, c'est finalement pour éclairer un nouvel aspect des personnages ou de l'intrigue.
Les personnages sont nombreux et remarquables. Outre Tenma et sa quête, j'ai véritablement admiré Grimmer, cet étrange vagabond sans sentiment et sans nom qui ne sait pas quel masque afficher en société, Rudy Gillen le criminologue et surtout le commissaire Runge, qui m'a bien souvent fait penser au Javert des Misérables dans son obsession à poursuivre Tenma. Outre ceux-là, le manga fourmille de personnages secondaires émouvants ou inquiétants, créant toute une population que l'on retrouve régulièrement avec plaisir.
L'ambiance est très sombre et s'enfonce de plus en plus dans le glauque au fil des épisodes. Violence, désespoir, manipulation, rien ne nous est épargné, jusqu'aux massacres les plus ignobles. Mais surtout j'adore ce type d'histoire où l'on poursuit un super-criminel qui semble toujours avoir cinq coups d'avance et avoir prévu toutes nos réactions.
C'est là qu'il faut aborder les thématiques de la série. Des thèmes qui font que Monster n'est pas seulement un thriller passionnant, mais qu'il a une profondeur très intéressante. Le thème le plus évident, celui qui est décliné tout au long des 18 volumes, c'est celui de notre monstre intérieur. Le thème du double est omniprésent, ainsi que le problème de l'identité. Qui sommes-nous vraiment ? Cet être social bien policé ou le personnage de pulsions que l'on tente d'étouffer ? D'un côté Grimmer, de l'autre l'Invincible Steiner. D'un côté Johann, de l'autre Nina.
D'un côté Tenma, de l'autre Johann. Il est bien entendu évident que les deux personnages centraux de Monster sont les deux facettes symboliques d'un même être. Docteur Jekyll et Mister Hyde ne sont pas loin. Au super-méchant froid, sans sentiment, semant la mort autour de lui, répond le super-gentil toujours ému cherchant à sauver l'humanité toute entière, contre son propre gré s'il le faut, au prix de son sacrifice (il y a quelque chose de christique dans ce docteur Tenma, jusqu'à son allure, cheveux longs et barbe naissante).
A cela s'ajoute de nombreux autres thèmes, qui sont liés à la violence. le constat est amer : la société humaine génère une violence. Les rapports humains sont violents. Depuis les crimes racistes néo-nazis jusqu'à cette fameuse phrase d'Eva dans le tome 1 ("toutes les vies ne se valent pas"), il y a une violence inhérente aux humains, une violence qui se retrouvent dans leurs échanges. La quête de Tenma, symboliquement, c'est bel et bien soigner la violence sociale, voire l'éradiquer, là où Johann cherche à la développer, poussant aux meurtres et aux massacres.
Tant de choses seraient à dire encore sur ce manga foisonnant et passionnant. A lire, même si on n'est pas fan des mangas.
[8,5/10]