Nankin par Gatcha

De nos jours. Un avocat chinois tente de retracer la vie de Xia Shuqin au moment de l’attaque de Nankin par l’armée japonaise en 1937. A cette époque, la ville était la capitale de la Chine nationaliste et la fillette fut le témoin des nombreuses exactions commises par les envahisseurs. Les témoins encore en vie se souviennent tous d’elle et des moments terribles qu’elle symbolise. Ensemble, ils doivent gagner le procès que leur font des universitaires japonais révisionnistes niant le massacre de Nankin et qui réfutent sa présence sur les lieux et la véracité de son témoignage de survivante…
Si cet album possède une telle force, c’est en grande partie parce qu’il reprend le combat réel de Xia Shuqin. Le massacre de Nankin reste une plaie ouverte dans la mémoire chinoise et un sujet de discorde entre les deux gouvernements. Les Japonais ne reconnaissent d’ailleurs toujours pas la réalité des faits, des politiciens importants s’en servant toujours pour appuyer leurs discours révisionnistes. Un sujet tabou à la hauteur des chiffres effroyables avancés par des tribunaux indépendants : en six semaines sont estimés 200 000 morts et 50 000 viols. Tous ces aspects sont traités dans ce one shot : les enfants nés des viols, les concours de décapitations, les exécutions sommaires, les trahisons, les lâchetés, les mutilations inhumaines, autant dire qu’il faut avoir l’estomac solide pour supporter la lecture, même si rien n’est visuellement explicite. Mais la seule évocation de ces horreurs fait frémir. Pourtant, aucune haine envers les Japonais n’en ressort, seulement la volonté de ne pas oublier et surtout de ne pas nier cet événement. Zong Kai, avec son graphisme épuré, souligné par un fond rouge dans les scènes de guerre et bleu pour le présent, rend surtout compte des faits. Et le scénariste Nicolas Meylaender n’oublie pas ceux qui ont donné de l’espoir, à l’image de l’Allemand John Rabe, le « Schindler de Chine », qui réussit avec d’autres à « limiter » la portée du massacre en sauvant de nombreuses personnes grâce à son statut d’homme d’affaires membre du parti nazi. Un autre destin méconnu et pourtant étonnant.
Un album atypique qui vaut autant pour son traitement que pour l’histoire vraie et puissante qu’il relate.