Number 5
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Number 5

Manga de Taiyō Matsumoto (2000)

"Les mots sont les meilleures inventions de l'homme"

dira Mike Ford Davis (Number One) à un haut représentant.


Chez Taiyou Matsumoto son découpage si caractéristique sera sa plus belle invention tout au long de sa prolifique carrière.


Number 5 est un manga qui m'a laissé pantois à la première lecture, comme pour beaucoup de lecteurs c'est une expérience assez unique dans le paysage de la BD japonaise, une première lecture où l'on se laisse happer par tout cet océan de sentiments, de formes, de planches en suspens, par ces personnages qui crient toute leur infini tristesse vers la voie lactée.
Sans trop qu'on s'en rende compte on tourne la dernière page, on se dit qu'on a vécu une expérience immersive exceptionnelle sans trop savoir ce qu'on vient de lire.
Malheureusement j'avais trouvé le volume 2 (de l'intégrale) hors de ma portée pour être complètement conquis, une seconde lecture m'a permis de comprendre (enfin je pense) le manga dans son ensemble et tous ces espaces blancs à combler pour remettre le titre dans une nouvelle perspective.


Je ne ferai pas une analyse de l'oeuvre, je ne suis pas assez doué pour ça, je vais essayer de synthétiser mon ressenti (c'est délicat pour un manga qui doit sa principale qualité à ce sentiment d'immersion qu'il procure, qui n'a pas été dans cette zone flottante ou plus rien n'a d'importance autour pendant la lecture?) en la rapprochant de l'œuvre d'un poète/auteur de nouvelles japonais que je viens de découvrir : Kenji Miyazawa.


Ce dernier dira très justement que la forme des traits est l'esquisse de l'âme. Number 5 est parcouru d'un ensemble d'images qui traduisent de l'état émotionnelle de ses personnages, notamment des membres de L'armée pour la paix : Les Rainbows, avec lesquelles nous partagerons nous aussi, sous forme de résonnance, leurs émotions les plus abstraites et profondes.
Chez Kenji Miyawaza toute vie dans l'univers communique avec les autres, dans une sorte d'empathie universelle où l'être humain, les animaux, les plantes, roches et étoiles sont dotés d'une chaleur profonde, d'un souffle de vie ardent (Faut lire Train de nuit dans la voie lactée justement pour tout ce voyage protéiforme au milieu des étoiles et de couleurs jaspés, c'est incroyable).
Son portrait de l'enfance est tout aussi sensible et sensitif que pour le soin qu'il apporte aux paysages, ses enfants se mordillent les lèvres selon leur humeur, ont les joues rouges vifs, regardent souvent le ciel.
"Déjà Matasaburo regarde le ciel en silence, la tête levée [...] au dessus des ses épaules s'allonge l'ombre verte du châtaignier [...] Il contracte avec force ses petites lèvres [...] soudain, d'un bon léger, il s'envole. Son manteau de verre miroitant s'illumine."
Ces histoires sont chargées de cultures diverses, rassemblent des êtres que tout opposent : animaux et les humains dans Goshu ou des petits japonais avec un garçon étranger qui semble venir avec le vent dans Matasaburo, Bouddhisme et christianisme dans Train de nuit....


Bon voilà c'était une petite parenthèse pour revenir vers les particularités de Matsumoto et surtout de Number Five.
Même si cette histoire est composée essentiellement d'adultes et que les enfants ne sont que des personnages en arrière plan dans ce manga-ci, son portrait de l'enfance est toujours bel et bien là, sensible, insouciant, idéalisé, il est plus que jamais confronté à la décadence du monde des adultes, ici représenté par l'armée de la terre/Donovan et surtout la figure du mal la plus impressionnante chez l'auteur avec Victor.
Number One est un être messianique crée pour apporter la paix sur la terre, unifier les peuples et "dessiner une niaise utopie" , un adulte/enfant rêveur dont les capacités de résonnances s'intensifieront au fil de l'histoire, jusqu'à ce que les mots (qui désigne comme la plus belle invention de l'homme) n'aient plus leur place et qu'il décide de partager uniformément ses sentiments avec l'ensemble des êtres, "l'expression divisée de son sentiment unique", le seul moyen qui lui reste pour accomplir son dessein depuis que les dirigeants de l'armée de la terre ont réduit à néant la réputation des Rainbow auprès du peuple.
Number One l'être parfait corrompu par Victor connaitra les pires émotions humaines : Haine, vengeance, sans doute ce qu'a voulu éviter Matriochka en se créant un monde idéalisé pour elle, tout en guidant de manière détournée le destin de Mike (One) via Number Five aux capacités surhumaines mais psychologiquement arrêté à l'état d'un enfant.


On retrouve ce même portrait de l'homme/enfant dans Le Samourai Bambou et son héro qui travaille sans cesse son imagination et celle de ses élèves.


Taiyou Matsumoto fait preuve d'hypersensibilité pour les variations de l'âme de ses héros, les décors changent au gré de leurs pensée, les animaux, les plantes, sont dotés de la parole, certaines pleures aussi ou bien ris, jamais dans un manga je n'ai été dans un tel état de partage, de résonnance avec les personnages. Il s'est passé ce truc incroyable dès le début du premier volume où je sentais que les Numbers étaient des figures tragiques qui étaient condamnés à mourir, c'était communicatif, dès que l'un quittait le groupe, c'est pour mourir inévitablement, la lecture a été très mélancolique sans même que soit explicitement montré. Ca m'a fait penser à un certain film de Toshiaki Toyoda avec cette idée du groupe et que chacun quitte au cours du voyage...L'ambiance et les sensations sont les mêmes.
Tandis que Number 4 eux seront connectés avec ce qui compose la voie lactée.


Dans sa tentative d'unir la planète sous un jour nouveau Mike échouera et trépassera dans la plus belle scène qui m'a été donné de voir depuis que je lis des mangas : au bord de l'anéantissement psychologique, Matriochka lui offre une dernière vision d'un monde idéalisé, enfantin et éternel pendant que notre Number en cavale lui donnera le coup de grâce, pour mettre fin à ses souffrances...magnifique.


Sur le plan graphique c'est sans aucun doute son manga le plus fou : Changement de style en fonction des situations (déchainement de feutre noir/pinceau lors d'un affrontement à la brutalité inouïe contre Number Three ou un ensemble de scènes crayonnées pour une séquence importante de flashback, qu'on me dise si je me trompe mais je crois que c'est sa femme qui dessine les femmes?), scènes hors champs se reflétant sur les vitres ou carrosserie de voiture, des pages cartoonesque quand il s'agit de représenter les Rainbows à la télévision ou dans des magasines où ils peuvent être découpés (ne le faites pas hein!) etc...
Et surtout une incroyable variété de décors, costumes, faune génétiquement modifiée, et de personnage bien distincts en fonction de leur appartenance à une section des Rainbows qui en font le manga le plus varié et le plus surchargé .


Œuvre maitresse d'un auteur de génie, projet le plus éprouvant et le plus ambitieux, Number Five est sans doute son manga le plus verbeux, le plus explicatif et pourtant le plus nébuleux.
Le contexte socio-politique est clairement établit, on sait qui est qui, la seule chose qui nous manque est "pourquoi ?"
Taiyou Matsumoto a fait le choix d'une harmonie (je trouve en tout cas) parfaite entre sur-explication et déduction du lecteur, toutes les clefs sont là, à nous de les assembler et croyez moi ça vaut vraiment la peine de s'investir.
Un projet casse gueule mais c'est cette confiance envers le lecteur, pour sa curiosité qui en fait une œuvre d'une intelligence remarquable, notamment sur ses thèmes SF et religieux qui auraient pu se vautrer si tous les éléments de cette histoires n'étaient pas au diapason.


Seul défaut : son rêve est de faire une BD en couleurs, elle aurait sied à merveille à cet univers au vu des quelques pages colorées disponibles...

HuangFeihong
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le 16 nov. 2020

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HuangFeihong

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