L'apocalypse non-euclidien dans des cases aux bords droits
C'est très difficile d'adapter Lovecraft en BD, particulièrement quand "on a cassé son double décimètre non-euclidien et qu'on a plus de couleurs qu'on ne voit pas dans sa boîte de Crayola", comme l'écrivent Herenguel et Benoît Clerc dans l'Encyclopédie de Krän. Le meilleur parti-pris, à mon avis, est justement d'éviter de ne pas en avoir. Là où "U-29" proposait un style semi-réaliste fadasse, pertinent dans le huit-clos de l'histoire mais quand même bien chiant à lire, "Nyarlatothep" va un peu plus loin en montrant explicitement une interprétation des horreurs cyclopéennes murmurées à l'oreille de prêtres antiques etc. etc.
On pourrait discuter que "U-29" est plus fidèle dans son adaptation, puisque dans Lovecraft ce n'est pas tant l'horreur en elle-même qui est terrifiante mais ses implications (autre point de fidélité, Lovecraft lui aussi est totalement dénué de style). Cependant, les abominations hors de ce monde machin truc sont presque toujours finalement décrites (souvent avec l'introduction appropriée : "les mots ne sauraient décrire ce que j'ai vu, je vais donc vous le décrire sur les trois prochaines pages avec force détails"). Il est donc, je pense, important, que l'adaptation visuelle prenne un parti-pris.
Et c'est heureusement ce que se permet ce "Nyarlatothep", sur ses dernières planches dans lesquelles se dilue enfin le style semi-réaliste mièvre.