On se calme sur les stéréotypes

Cédric fait partie de ces copains de récré, situé dans la mémoire entre le cousin dont on oublie le prénom et l’ami de toujours. Celui dont on se rappelle vaguement, mais dont le souvenir est agréable.

Il n’est pas dans le panthéon de mes BD d’enfance comme le furent Astérix, Lucky Luke ou Tintin ou, plus tard avec le magazine Spirou, les aventures du jeune groom, Ikar ou Le concombre masqué. Cédric faisait partie de ces lectures agréables, au même titre que Les femmes en blanc ou Pierre Tombal. Toute cette galaxie de Raoul Cauvin, précurseur de l’opportunisme éditorial de Bamboo.

Pour moi, Cédric a été le chaînon manquant entre Boule et Bill et Titeuf. Et il en resté là jusqu’à ce que ma fille me ramène le tome 19, acheté lors d’une brocante. Il faut préciser qu’en gagnant mon statut paternel, j’ai développé un féminisme paternaliste. Avec ce tome, j’ai été gâté.

Précisons tout de même que j’ai toujours suspecté Cédric d’un côté passéiste, avec une vision très limitée de la famille et notamment du rôle de l’homme et de la femme. Sans excuser, je peux comprendre qu’une BD reflète les mœurs de son époque (position toujours délicate avec un Tintin au Congo). Le contexte de Cédric m’a toujours semblé en dehors du temps, comme figé dans les années 80 (époque aussi où j’ai découvert la BD). Sauf que Cauvin contextualise ce tome avec une affiche de cinéma détournée «Harry Kover et la chambre froide » [Sic]. Or Harry Potter et la Chambre des secrets est sorti au cinéma en 2002.

De fait, l’action de Cédric se situe donc dans les années 2000. Or, la représentation de la mère de Cédric est affligeante en tant que symbole.

Tout d’abord, j’ai découvert avec mon regard d’adulte (donc pervers) qu’elle était sexy, avec une poitrine dont la rondeur est un défi à la gravité. A l’opposé, le père a le sex-appeal d’une chaise en osier.

Je me suis ensuite amusé à énumérer ses actions en arrière-fond : dépoussiérer x4, passer l’aspirateur x2, cuisiner x1, ranger la vaisselle x1 ou le linge x1. La seule tache domestique partagée sera de porter les courses. Son autre rôle, mise à part laver Cédric après ses bêtises, est d’attendre sagement, amoureusement et avec un débardeur de préférence, que son mari rentre du travail. Papa peut pour ensuite lire son journal Les Echos tranquillement. Maman, elle, n’est gratifiée d’aucune activité intellectuelle.

Au final, l’image de la femme est tout bonnement insupportable pour une histoire se déroulant dans les années 2000.

J’ajouterai à ce constat une désillusion. J’ai toujours crédité Cédric d’une originalité : son amour pour Chen. Ce béguin pour une Asiatique donnait une saveur « vivre ensemble » agréable. Sauf qu’une parole d’enfant dès les premières pages a aussitôt refroidi mes souvenirs :

« Ce n’est pas qu’elle [Chen] soit étrangère, mais c’est son accent qui me dérange. »

« Mais », terrible « Mais » qui ne peut que me faire penser à ça. J’y ajouterai l’image dans la rue d’une petite joggeuse… d’origine africaine.

Je reconnais qu’il y a là une part de politiquement correct, mais je trouve désastreux qu’une BD pour enfants reproduise autant de stéréotypes. C’est d’autant plus dommage que cette série peut soutenir des idées fortes, comme la présence du grand-père avec la famille. Le symbole est beau, dommage qu’il soit noyé dans un contexte passéiste.

En tous les cas, à la prochaine brocante, je chercherai plutôt des tomes de Yoko Tsuno. Enfin, jusqu’à ce que j’en relise…