Pedro et moi
7.3
Pedro et moi

BD de Judd Winick (2006)

En 1993, Judd Winick participe à l'émission de téléréalité « Real People » dans l'espoir de gagner 6 mois nourri, logé et blanchi. Là bas, il va rencontrer un garçon qui va changer sa vie. Ce garçon, c'est Pedro. Homosexuel et séropositif. Judd, à cette époque, ne connaît personne qui ait un rapport, de près ou de loin, avec le SIDA. D'ailleurs, il ne connaît rien non plus à cette maladie. Et Pedro va, peu à peu, lui en faire découvrir la réalité, et une vraie amitié naît entre eux.

Les albums qui parlent réellement du SIDA sont peu nombreux. Pilules Bleues avait fait, à sa sortie, sensation. Pedro & moi est resté plus discret, mais ce témoignage est tout aussi fort, par sa sincérité et par sa manière de trouver le mot juste. Aujourd'hui, en 2006, les découvertes de Judd paraissent évidentes, mais à l'époque combien d'entre nous étaient réellement conscient des risques inhérents au SIDA ? C'est cet apprentissage qui constitue le livre, en même temps que la chronique, lente, de la mort annoncée de Pedro. On ne retrouve pas la retenue savante des auteurs habitués aux histoires tristes, seulement la tristesse d'un homme qui veut crier à la face du monde que son ami, son seul ami, est mort d'une erreur, d'une trop grande naïveté et d'un manque d'information. Et c'est en cela que cet album est extraordinaire.

Judd Winck a plus l'habitude de travailler comme scénariste sur des comics de super-héros. Alors, quand il reprend le crayon, on sent que la mécanique est un peu rouillée. Certains personnages n'ont pas un profil parfait, d'autres sont légèrement tordus. Mais on sent aussi, par moments, une certaine virtuosité poindre dans le trait, une méticulosité aussi qui le fait s'attarder sur chaque personnage d'une foule, sur chaque cheveu d'une coiffure afro. Sans jamais rester bloqué sur une planche extraordinaire, on sent la tension et l'émotion dans toutes, et ce sont elles plus que le texte qui nous tireront, à la fin, des larmes, autant de tristesse que de soulagement.

Décidément, dans ce genre d'ouvrages, les témoignages, malgré leur aspect intime et leur côté si personnel, touchent infiniment plus que les fictions. Peut-être devrait-on recommander cette lecture dans les établissements scolaires. Elle sait dire le plus importants : le SIDA, on en meurt parce qu'on a fait, un jour et un seul, une bêtise. Et c'est stupide.
Ninaintherain
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le 28 mars 2012

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