Quand la grandeur n’est qu’une question de perspective (et de survie)

Petit - Les Ogres-Dieux, tome 1, c’est comme un conte de fées revisité par un auteur qui aurait troqué les licornes contre des ogres cannibales et les happy ends contre des leçons de cruauté. Bertrand Gatignol et Hubert signent une œuvre monumentale, aussi écrasante que les personnages qui la peuplent, mais avec une délicatesse qui te prend par surprise.


L’histoire de Petit, rejeton minuscule d’une lignée d’ogres gigantesques, est une allégorie magistrale sur la différence, le pouvoir et les rapports de force. Né dans un monde qui le méprise pour sa "petitesse", Petit doit naviguer entre la barbarie de ses semblables et sa propre humanité, bien plus grande que ses maigres centimètres. C’est sombre, c’est dur, mais c’est aussi incroyablement émouvant.


Le scénario d’Hubert est un véritable bijou d’écriture. Chaque mot est choisi avec soin, chaque dialogue pèse autant qu’un pas d’ogre sur une maison en chaume. L’équilibre entre conte gothique, drame psychologique et critique sociale est parfait. Les flashbacks sur l’histoire des Ogres-Dieux enrichissent l’univers, ajoutant une profondeur fascinante à cette société aussi brutale que décadente.


Visuellement, Bertrand Gatignol éclate tout. Ses dessins, en noir et blanc, sont d’une finesse et d’un contraste à couper le souffle. Les personnages, grotesques et magnifiques à la fois, semblent tout droit sortis d’un cauchemar baroque. Chaque planche regorge de détails, et la mise en page, souvent audacieuse, sublime le récit. Les expressions de Petit, ses doutes, ses peurs, son courage, sont rendus avec une telle intensité qu’on oublie presque qu’on lit un livre : on le vit.


Le ton de l’œuvre est sombre, sans concessions. Les thématiques de la domination, de la monstruosité (physique et morale), et de la survie dans un monde impitoyable frappent fort. Mais loin de sombrer dans la gratuité, Petit te pousse à réfléchir : qu’est-ce qui définit la grandeur ? La force brute ou la capacité à résister à la barbarie ?


Si on devait reprocher quelque chose à cet album, ce serait peut-être son rythme parfois un peu lent. Les récits annexes sur les Ogres-Dieux, bien que fascinants, cassent un peu la dynamique de l’histoire principale. Mais franchement, c’est chipoter sur une œuvre qui frôle la perfection.


En résumé : Petit - Les Ogres-Dieux, tome 1 est un chef-d’œuvre sombre, magnifiquement écrit et illustré, qui mêle la violence et la poésie avec une virtuosité rare. C’est un conte cruel qui te laisse à la fois émerveillé et écrasé par son poids émotionnel. Une lecture essentielle pour ceux qui aiment les récits qui ne laissent pas indemne.

CinephageAiguise
9

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le 26 nov. 2024

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