Née en 1963 au Nord de l’Inde au sein de la caste des Sudra (la caste la plus basse d’Inde), Phoolan est confrontée toute son enfance à la violence, la pauvreté et l’injustice. Une enfance rude et douloureuse qui l’amènera peu à peu à se retourner contre le système de son pays, embrassant la cause des Dacoïts (des bandits) et luttant à leur côté pour faire entendre les voix des plus faibles et des plus démunis. Pendant trois ans, à la tête d’une véritable armée, elle frappe l’Inde de tous côtés. Un véritable symbole de révolte et de combat contre la brutalité de l’humain et plus particulièrement de l’homme.
Pour ce roman graphique, Claire Fauvel a mis en image le témoignage de Phoolan Devi (Moi, Phoolan Devi, reine des bandits). Un témoignage rude et révoltant sur la condition des femmes (et plus encore des femmes pauvres) en Inde. Alors que nous réserve l’avenir lorsque l’on est une fille Sudra ? Rien. Rien d’autre que la faim et les brimades. Rien d’autre qu’un mariage forcé à onze ans avec un homme quatre fois plus âgé que nous. Rien d’autres que la violence et les humiliations ; qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles. Alors on se laisse abattre ? On subit sans rien dire ? C’est le cas pour un très (trop) grand nombre de femmes, élevées avec l’idée tenace que c’est normal, que ce ne sont que des femmes (et des femmes Sudra qui plus est…), que c’est comme ça depuis la nuit des temps. Qu’elles n’avaient qu’à être moins jolies, avoir des grands frères pour les protéger, ne pas regarder cet homme dans les yeux et mille autres horreurs inadmissibles. Heureusement, des femmes comme Phoolan Devi se lèvent contre ce système absurde et insipide, appellent à la révolte et à l’insurrection.
Je n’en dirai pas beaucoup plus sur le fond de cette BD pour ne pas trop dévoiler le destin extraordinaire de cette femme extraordinaire. L’adaptation de Claire Fauvel est magnifique, on vit aux côtés de Phoolan tout du long et plus d’une fois on souhaiterait entrer dans la BD pour la sortir de situations atroces. Toutes les émotions nous prennent au fil de la lecture : on est touché, écœuré, énervé, soulagé, triste, amusé, révolté… La narration est très puissante et nous porte du début à la fin.
Le graphisme est lui aussi parfait, à la fois rude, sombre et minimaliste qui marque particulièrement bien l’ambiance. Le trait, parfois enfantin, contraste juste ce qu’il faut avec le fond du récit. Certaines scènes de violences en deviennent insupportables tant il y a de force dans le trait, les couleurs et l’action ; il m’a fallu par deux fois fermer cette BD pour reprendre mon souffle lors de ma lecture tellement je me sentais oppressée et prise dans le récit. À d’autres moments, le jeu des couleurs ramène beaucoup de douceur et nous permet de respirer avant de replonger dans les affres du combat. Un dessin très propre, donc, pour un récit merveilleux, aussi triste que porteur d’espoir.
Une BD édifiante, à lire absolument. C’est sombre, violent, âpre et révoltant mais c’est une réalité qu’il est important de garder à l’esprit. Une fois cette BD refermée vous n’aurez qu’une envie : prendre les armes aux côtés de cette femme.
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