«Voici mes prévisions pour demain !»
C’est par cette sentence qu’un internaute au visage masqué d’un journal commence les vidéos qu’il publie régulièrement sur Internet.
Ce mystérieux personnage se fait appeler Paperboy et il s’érige en « justicier » puisque par ce biais, il annonce le châtiment qui va s’abattre sur un de ces concitoyens dont la conduite a été répréhensible à ses yeux.
Ce qui pourrait apparaître comme une sale blague d’internet va vite faire réagir les autorités puisque ces prophéties se réalisent dès le lendemain.
Afin de débusquer ce fauteur de trouble qui commence à susciter les passions, avec des détracteurs et mais aussi des supporters, une équipe de cyber-policier menée par la jeune et forte Erika Yoshino est missionnée et va traquer ce Paperboy en s’appuyant sur les atouts que permettent les nouvelles technologies.
On va ainsi suivre ce jeu du chat et de la souris, et chercher à découvrir les motivations réelles de ce Paperboy.
Paperboy est une série en 3 tomes de Tetsuya Tsutsui.
Le titre aborde des problématiques chères à l’auteur et qui tournent autour de la violence, de l’injustice sociale et des nouvelles technologies, et traite cette fois-ci du sujet de la vengeance et de la tentation de se faire justice soi-même.
Tout cela s’articule autour d’un thriller qui marche plutôt bien et on suit avec intérêt le jeu de piste qui s’installe entre Paperboy et l’inspecteur Yoshino durant les ¾ de l’histoire où on cherche à comprendre ce mystérieux Paperboy.
Et là c’est le drame…
Le tome 3, annoncé comme le dénouement palpitant m’a énormément déçu…
On apprend plusieurs pages avant la fin (et donc les dernières pages ne sont que du remplissage inutile, le soufflé étant retombé) les véritables raisons de l’action de Paperboy et … comment dire… ?
Ça casse tout ! Tout ça pour ça ?!!
Je retrouve un peu un côté désagréable que j’avais déjà ressenti dans Reset du même auteur, à savoir une vision très négative, pleine de clichés, voire réac’ sur Internet ; on se croirait parfois dans un « internet bullshit » qui présente le web comme une zone de non-droit avec uniquement les dérives mises en avant. A le lire, les forums et réseaux sociaux ne sont remplis que par des bêtes avides de violence et de souffrance qui poussent les autres au vice… en plus dans l’anonymat, les fourbes !!
Soit, ça existe, mais fort heureusement Internet ne se résume pas à ça, ça n’est que le reflet des gens qui s’y connectent…
Cependant, point de grande cause, ni de revendication sociale dans ces motivations de base de Paperboy, juste un objectif complètement dérisoire de mon point de vue, du moins ne nécessitant pas toute cette mise en scène qui parait a posteriori un peu ridicule (alors que des sujets de fond sont abordés tout au long des 3 tomes…). Sans tomber dans la caricature, peut être que dans les codes de la culture japonaise, ce type d’action est compréhensible mais moi, ça m’a complétement laissé à côté du sujet. Aucune identification possible sur ce Paperboy.
Alors, OK, on pourrait m’objecter que c’est justement pour montrer que ses actions étaient faites pour des raisons futiles et en cela, faire une critique d’un système et de la volonté de justice personnelle, mais pas de ça non plus, on reste vraiment sur des préjugés et des lieux communs.
Il s’agit en fait d’une déception par rapport à ce que j’imaginais de ce titre, surtout que tout au long de la lecture, on pourrait croire que ce Paperboy a une vision grandiose des choses, en bien ou en mal, là n’est pas la question, mais on est très loin d’un « Ami » qu’on aurait dans 20th Century Boys, mais n’est pas Urasawa qui veut.
Ça me laisse une impression de gâchis d’une œuvre ambitieuse qui reste, sommes toutes, assez étriquée.
Ce manga était présenté comme le titre événement des 2 dernières années (best-seller manga de 2012 pour le tome 1) et d’ailleurs il avait pas mal d’atouts pour y parvenir ; un sujet d’actualité, ancré dans le réel, avec un design vraiment sympa et un scénario prometteur.
Donc je ne jette pas tout, car l’histoire se suit vraiment agréablement et est assez haletante voire passionnante durant la majeure partie des 3 tomes, le dessin est très réussi, mais pour la profondeur, la réflexion et la prise de hauteur, il faudra repasser.