Punk Rock et mobile homes de Derf Backderf, c’est un peu comme un vieux t-shirt des Ramones trouvé dans une friperie miteuse : ça sent la rébellion poussiéreuse, ça gratte un peu, mais tu ne peux pas t’empêcher de le porter avec fierté. Ce récit semi-autobiographique plonge dans l’Amérique des années 80, là où les rêves d’adolescents punk se frottent au quotidien désespérément banal d’un parc de mobile homes.
L’histoire suit Otto, un ado désabusé, sarcastique et aussi paumé qu’un vinyle au milieu d’une playlist Spotify. Entre ses potes losers, son job de livreur de journaux, et son amour pour la musique punk, il mène une existence qui oscille entre ennui mortel et éclairs de révolte juvénile. Derf Backderf capture avec brio cette période où tout semble trop petit pour contenir ton désir de liberté… sauf que tu n’as pas un rond pour partir.
Le dessin, reconnaissable entre mille, est un savant mélange de réalisme décalé et de caricature grinçante. Les personnages ont des trognes incroyables, à mi-chemin entre l’absurde et le grotesque, qui te font marrer autant qu’ils te touchent. Les décors – les mobile homes, les rues désertes, les culs-de-sac sans fin – dégagent une mélancolie palpable, parfaite pour ce récit où le punk rock est plus une échappatoire mentale qu’une véritable révolution.
Derf Backderf excelle dans l’humour noir et les situations absurdes. Les dialogues sont tranchants, bourrés de cynisme, mais cachent souvent une vraie tendresse pour ses personnages. Otto, avec son arrogance de façade et ses ambitions bancales, est un héros profondément humain, qui te fait osciller entre "quel con" et "je le comprends tellement".
Ce qui rend Punk Rock et mobile homes si unique, c’est sa capacité à capter une époque et un état d’esprit. Backderf dresse un portrait sans concession d’une Amérique coincée dans son immobilisme, mais il le fait avec une affection palpable pour ses losers magnifiques. C’est un récit d’adolescence universel, où les rêves s’entrechoquent avec la réalité… et où la musique est la seule vraie échappatoire.
Si on devait lui reprocher quelque chose, ce serait peut-être un léger manque de rythme par moments. Certaines scènes traînent en longueur, mais c’est aussi ce qui reflète la monotonie de ce quotidien sans horizon.
En résumé : Punk Rock et mobile homes est un petit bijou d’humour noir et de nostalgie grinçante. Derf Backderf signe une œuvre à la fois drôle, touchante, et d’une justesse désarmante sur l’adolescence, la frustration, et l’amour du punk rock comme cri du cœur. Une BD qui te donne envie de foutre le camp… tout en te rappelant pourquoi tu es resté.