Après avoir mis un terme à sa série Capitaine Albator qui restera sans conclusion, Leiji Matsumoto s'attèle à imaginer les aventures de son alter égo féminin, Emeraldas, dans un nouveau titre intitulé Queen Emeraldas (le nom de son vaisseau). Nous sommes toujours en cette bonne année 1977, décidément très prolifique à l’artiste visionnaire.
Il était déjà fait mention d'Emeraldas dans Capitaine Albator, mais nous ignorions encore beaucoup de choses de ce personnage énigmatique. Cette édition soignée et restaurée par l'auteur lui-même répare donc nos lacunes, ou presque... En bonus à la fin de ce tome (donc au début), quatre one-shots indépendants du reste, dont un troisième particulièrement amusant, ainsi qu'une brève interview de Leiji Matsumoto.
On pouvait logiquement s'attendre à retrouver la trame d'Albator 84 dans ce manga qui fait figure de préquel à Capitaine Albator, mais il n'en est rien. L'histoire entre nos mimines est bel et bien inédite tout du long. L'univers poétique si cher à l'auteur est toujours présent, mais Queen Emeraldas propose quelque chose de plus sombre, désespéré et triste, dans une histoire qui s'oriente dès qu'elle le peut vers le western spaghetti en proposant plus de duels au sabre gravitationnel que jamais. Alors qu'Albator préférait rosser ses ennemis dans l'espace, Emeraldas le fait plus volontiers dans le sable et la poussière en combat singulier. Vous l'aurez compris, l'humour est beaucoup moins présent ici, de même que l'action à grand spectacle.
Ce gros pavé, du même acabit que celui consacré à Albator, se lit tout aussi bien grâce à une mise en scène et un découpage aéré. La différence ici, c'est que le dessin, toujours aussi beau, fait quelquefois moins dans le détail pour aller à l'essentiel. Par contre, l'histoire est moins accrocheuse car les situations sont souvent répétitives et que les flashbacks un peu trop long sur le passé de l'héroïne ont tendance à découdre ce qui passe dans le présent.
Les personnages sont beaucoup moins nombreux (Emeraldas ne s'encombre d'aucun équipage, vu que c'est l'I.A. de son zeppelin qui fait tout (comme Kandoo)) et il n'y a aucun grand méchant menaçant en toile de fond, juste des petits boss qui se succèdent pour se faire exploser à la chaîne. Que les fans se rassurent, Tochirō arrive sur le tard et sa rencontre avec sa copine corsaire est bien retracée, mais quid de son histoire d'amour avec elle, de sa mort et du téléchargement de son esprit dans l'Arcadia ? Encore une fois, il n'y a aucune véritable conclusion digne de ce nom à nous mettre sous la dent et l'intrigue reste en plan. Seule consolation, Albator himself nous fait à la fin l’honneur d’une apparition express en guest-star.
Même si au fond il n’est pas vraiment indispensable à la compréhension du vaste univers partagé créé par l'auteur, ce spin-off sympathique est à conseiller en priorité aux fans de Leiji Matsumoto, qui le rangeront religieusement dans leur collection dédiée au Maître après l'avoir dévoré, les autres pourront toujours essayer s'ils le souhaitent, mais l'intérêt risque de ne pas être forcément là...