Ces dernières années, de plus en plus d’animateurs/humoristes/écrivains se sont lancés dans la bande-dessinée, avec des résultats mitigés. En effet, être drôle ou pertinent de sa plume ou lorsqu’on déclame un texte, ce n’est pas la même chose qu’un scénario de BD et ses spécificités. Avec « Qui ne dit mot », Stéphane De Groodt se lance dans l’aventure. Avec lui, Grégory Panaccio que l’on a vu dans « Un océan d’amour » ou « Chronosquad ». De quoi parle ce livre ? Bonne question…
John part avec sa copine visiter ses beaux-parents. Quand il en revient, il doit partir à une réunion importante, mais tout se détraque. On le prend pour une autre personne (tout en le reconnaissant) et de nombreux personnages viennent freiner son avancée. Il y a une forme de frénésie systématique qui va nous amener vers des révélations surprenantes. Difficile de ne pas penser à Kafka (et notamment « Le Procès ») devant le procédé narratif.
Dans les dialogues absurdes, on retrouve l’amour de la langue de Stéphane De Groodt. Les jeux de mots sont nombreux, bien que loin d’être omniprésents. En effet, la BD est noyée dans une série de gesticulations sans intérêt, à l’image de cette scène où John s’habille le matin… Plusieurs pages pour le voir mettre un pantalon, voilà qui usera de nombreux lecteurs. C’est aussi le fait de Panaccio, qui nous gratifiait d’une scène identique dans « Chronosquad ». Ainsi, bien qu’animée par un dessin dynamique, « Chronosquad » manque de rythme. Certaines respirations sont mal placées et la frénésie ambiante semble forcée.
Les révélations finales, où l’on sombre complètement dans l’absurde, ne sont pas dénuées d’intérêt, sans transporter le lecteur pour autant. En essayant de mettre une forme de cohérence (ou de lien ?) entre les scènes, De Groodt se perd aussi. Car en relecture, la révélation finale n’apporte rien de transcendant.
Le dessin de Panaccio a d’indéniables qualités. Très proche de l’animation, il a tendance à surjouer toutes les scènes, voir à les allonger. Pour ma part, j’ai beaucoup de mal avec sa narration, frénétique et excessive. À mettre tant d’énergie pour tout, les planches manquent de respiration.
« Qui ne dit mot » a des qualités, mais à la fermeture de l’ouvrage, on est un peu dubitatif. Il y a quelques jeux de mots, une histoire absurde au final travaillé, mais on s’ennuie finalement un peu de ce personnage perdu et stressé qui rencontre des gens lourdingues. À lire pour les fans de De Groodt ou de Panaccio.