Ravina the witch? se présente comme un livre illustré, de ce fait il n’y a pas de narration par case, mais de grandes images et des blocs de texte parsemés dans les pages. Tel un conte pour enfants, celui-ci se lit tranquillement, oscillant entre le texte et les dessins. Rapidement le lecteur se rendra compte que derrière ces dessins d’apparence naïfs et enfantins, ce livre n’est pas à mettre entre toutes les mains.
Pour mieux vous situer l’œuvre, voici le style de récit qui vous attends : l’histoire commence dans une décharge où la saleté est reine, l’odeur ne dérange plus notre petite Ravina qui grandit dans cette immondice. Sans explications complémentaires elle reçoit une baguette magique de la part d’une sorcière. Une fois adulte elle se retrouve à habiter dans un manoir où le sadomasochisme est de rigueur. Elle s’enfuira pour rencontrer un paysan chauve et travestit qui travaille avec sa robe dans les champs. C’est en buvant de l’alcool jusqu’à plus soif qu’elle découvrira les pouvoirs de sa baguette magique…
Ne nous mentons pas, l’œuvre sera bien plus appréciée par son dessin et que par son scénario. L’auteure essaye de rester la plus originale avec une histoire non conformiste et qui recherche l’inattendue, toutefois celle-ci reste surtout un prétexte pour mettre en avant son univers farfelu. Les péripéties de Ravina s’enchainent et la lecture se veut très agréable, toutefois les rebondissements et les éléments déclencheurs restent de l’ordre de la facilité. Quand l’auteure souhaite faire avancer son histoire, il suffit que l’héroïne s’enfuit pour rencontrer un nouveau personnage et elle se retrouve immédiatement dans un nouveau lieu.
Certes cela reste habituel dans ce type de récit, n’oublie pas que nous sommes dans un livre illustré, mais le manque de fils conducteur clair ou l’absence d’une réelle finalité à l’histoire ne permet pas une relecture plus approfondie. Toutefois est-ce réellement important ? la réponse serait NON, nous pouvons déduire que MIZUNO souhaite avant tout nous transporter dans un nouvel univers horrifiquement mignon dont elle a le secret.
Dans son œuvre point de morale à l’occidentale, juste des situations dérangeantes, morbides, politiquement incorrectes et soumises aux seules restrictions de l’auteure. C’est une histoire à la narration douce et cruelle, une sorte de Disney à la sauce Trash. Il faut l’avouer, la sauce prend et lors de la lecture il arrivera de s’inventer des voix comme si nous le racontions à un enfant.
Sur le papier toutes ces situations donneraient lieux à une ambiance lourde et violente, pourtant il n’en est rien, le trait de notre mangaka mélange un style gothique kawaï avec un rendu pop-art du plus bel effet. Le mélange de cette représentation du morbide tout en rondeurs avec des personnages tout mignons donne un décalage inattendu. Il faudra donc jongler entre les corbeaux, cadavres en décomposition, ou aux personnages plus proches visuellement de zombies que d’êtres vivants. C’est justement ce décalage entre l’histoire et le visuel qui donne toute sa saveur à cette artiste. Il est difficile de ne pas tomber sous le charme.
L’auteure aime travailler avec de la couleur et c’est un manga entièrement colorisé que nous avons entre les mains. Chaque page contient un thème couleur tirant vers les tons sombres, usant de couleurs tirant sur le noir, le violet, le bleu ou encore l’orangée. Ce choix artistique donne une ambiance qui colle bien avec le thème de la sorcellerie. L’agencement sur les pages a été réalisé avec un soin particulier, nombreux sont les ornements décoratifs ou dessins complémentaires entre deux images et il faut l’avouer que le rendu est sublime.
Habituellement c’est l’éditeur IMHO qui publie les titres de cet auteur, mais pour ce récit ce sont les Éditions Soleil qui ont eu le privilège de le publier. Il faut dire que l’œuvre ne fait qu’une cinquantaine de pages, et c’est naturellement dans un format BD Franco-belge (environ 30 x 22 cm) que l’éditeur s’est tourné. Nous pouvons dire que Soleil n’a pas lésiné sur la qualité, la couverture est ornée de brochure dorée du plus bel effet.
L’intérieur n’est pas en reste avec des surbrillances de dorées et d’argentées sur toutes les pages et un papier de qualité très épais. Une rapide biographie et un listing des expositions de l’auteur sont présents. Un autre point plaisant, c’est que l’éditeur joue le jeu en indiquant les autres titres parus chez IMHO et n’a pas inséré son logo sur la couverture ! Bref il n’y a rien à redire.
MIZUNO réussit à créer une histoire qui convient parfaitement aux codes du livre illustré, bien qu’il s’appréciera plus pour son esthétique que pour son récit. Les fans de l’auteur retrouveront son univers gore/kawaï, les nouveaux lecteurs pourront apprécier cette artiste au style bien particulier à condition de rester clément sur le scénario.