Sainte Famille par Kliban
Une très belle livraison de cet éditeur toujours confidentiel.
Travail d'une très grande finesse, et édition d'une fort belle facture. L'ouvrage date, déjà et est, hélas, épuisé. J'avais découvert les travaux de Xavier Mussat dans l'excellente revue de cet éditeur (Ego comme X, 9 numéros à ce jour, dernière parution en 2003), et déjà j'étais frappé par la mélancolie, au sens fort, qui se dégageait de ses planches. L'ouvrage ne dément rien de la sensibilité-scalpel de l'auteur. C'est violent, traversé de rudesses à l'égard des siens - semblable en cela à certains passage de Neaud, dans un style graphique des plus différents - et de lui-même, sans concession au regard du fond dépressif, de l'inassurance, et des impossibles qui font la vie de tous ceux pour qui l'existence est un lieu de dupes percé d'abîmes.
Le gaufrier presque systématique en 9x9 utilisé par Mussat enchâsse ses planches dans un rythme, implacable comme la rumination d'une tristesse. Le contenu des cases fait la part belle au symbole, à l'image dérivée. Ici et là, un paysage, un dialogue. On sourit, beaucoup. On rit, rarement. On s'émeut, énormément. Pour peu de savoir lier avec un tactus ordonné à la fois par le défilement des années et les points nodaux des bouleversements émotionnels, stylistiquement pris dans les résonances mots/images. On n'en ressort pas indemne, mais il faut, pour y entrer, prendre le temps et accorder sa bienveillance au récit des années âpres.