Hommage à Rêve
Environ dix ans à savourer cette saga, lentement, relire, réfléchir. L'un de mes premiers comics, à l'époque, vous imaginez le choc ? Visuel d'abord: Dieu, que c'est moche ! Aujourd'hui, j'ai compris...
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le 10 déc. 2017
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Comics de Neil Gaiman, Sam Kieth, Mike Dringenberg, Chris Bachalo, Michael Zulli, Malcolm Jones, III et Steve Parkhouse (2012)
Environ dix ans à savourer cette saga, lentement, relire, réfléchir. L'un de mes premiers comics, à l'époque, vous imaginez le choc ? Visuel d'abord: Dieu, que c'est moche ! Aujourd'hui, j'ai compris que ça ne l'était pas, que le dessin cauchemardesque et les couleurs criardes participaient au charme inquiétant de ces premiers épisodes. L'impression de lire un vieux conte gothique intemporel, qui parle justement du temps qui passe, lentement pour les dieux, rapidement pour les hommes.
Vient alors le choc littéraire: cette plume inventive, parfois somptueuse, ces péripéties qui n'hésitent pas à mélanger la culture pop/geek au patrimoine éternel de la mythologie et de la poésie. Des fulgurances horrifiques, particulièrement dans le premier volume, me marquent à jamais. Je ne soupçonnais pas que le malsain pouvait revêtir d'aussi oniriques atours.
Subjugué, j'étais déjà certain de terminer cette histoire, un jour, aussi longtemps que cela devait me prendre. Presque dix ans, au gré des aléas de publication qui ont vu passer trois éditeurs différents. Sandman fait partie de ces œuvres qui m'ont accompagné pendant une grosse tranche de ma vie. Je n'en laisse pas tant que ça suivre ce chemin...
Onze volumes plus tard, Sandman a changé. La relative maladresse du début a été corrigée. Les dessins sont de plus en plus beaux au fil des années et le scénario, de plus en plus conscient de lui-même et de ses effets. On gagne en technicité ce que l'on perd en charme, en quelque sorte. Un bien pour un mal. Je ne retrouverai presque plus jamais ce mélange de poésie et de malaise des débuts mais je profite d'une prolifération des thématiques, d'une diversité de légendes, de pays, d'époques et de romans cités, analysés, réinterprétés, parodiés, pris à contre-pied ou scrupuleusement respectés. Des personnages historiques, littéraires, religieux ou inventés par Gaiman participent à cette geste épique qui se déroule sur des milliers d'années, sur des milliers de mondes et de rêves.
Bien sûr, à mesure que Gaiman gagne de l'assurance sur son texte, on peut se dire qu'il se regarde parfois écrire, que certains épisodes sont trop verbeux et étouffent le côté graphique de l’œuvre. Et puis, aussi, les convictions de Gaiman, devenues aujourd'hui monnaie courante dans la politique et la société, (la fameuse "bien-pensance"), sont parfois trop envahissantes. Les gays et les femmes sont mis en avant de manière trop appuyée - voire stéréotypée dans certains cas - pour être tout à fait honnête, intellectuellement parlant. Mais on peut dire que Gaiman était un précurseur de la compréhension et de la retranscription du Zeitgeist actuel dans le monde de la BD.
Si vous êtes amateurs de super-héros, lisez Sandman, car on vous montrera une façon brillante d'en détourner les codes. Si vous n'aimez pas les super-héros, lisez Sandman, car ce dernier lorgne davantage vers les mythes ancestraux et le fantastique contemporain. Si vous aimez les bonnes histoires, les changements de ton, l'humour absurde, les jolis mots, la mélancolie et les journées d'hiver passées au coin du feu, lisez Sandman. Car, j'ai oublié de vous le dire, le Sandman est la personnification de toutes les histoires qui furent et seront, des gouffres stellaires aux petits tracas humains.
Sandman, c'est la resacralisation du quotidien à travers le pouvoir des mots.
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Créée
le 10 déc. 2017
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D'autres avis sur Sandman : L'Intégrale, tome 1
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