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Agent immobilier, Kiyoshi Sumioka est typiquement l’adulte qui mène son petit train-train et s’investit dans son travail. Seulement il est particulièrement nerveux auprès des jolies femmes, ce qui lui vaut de voir sa langue fourcher sur des mots et le pousse à ne jamais les regarder dans les yeux. Comme le souligne son collègue Kurosaka, il est tel un adolescent sur le plan émotionnel. Si cela lui vaut quelques moqueries salaces de Kurosaka (comme lui faire visualiser un film cochon subrepticement pour voir sa réaction) Kyoshi a aussi son indéfectible soutien. Kurosaka souhaite qu’il franchisse le pas, s’il en a l’occasion, car c’est un homme bien qui a toutes les chances de trouver chaussure à son pied.


Or, Kiyoshi est persuadé du contraire, ne serait-ce que par son physique. Non seulement il est grand, mais surtout porteur d’un certain embonpoint. L’autrice nous dresse le portrait d’un homme aimable avec les autres, mais empli d’un grand manque de confiance en soi. Un malaise que je ne peux que comprendre concernant Kiyoshi, n’étant pas moi-même un parangon de beauté et connaissant fort bien ce que peut faire ressentir le regard des autres sur soi.


Afin de ne pas laisser l’infortuné Kiyoshi seul face à ses tourments, le destin lui fait rencontrer Sumi, nouvelle employée au sein du restaurant à bentôs qu’il côtoie depuis six ans. Miracle, il arrive à la regarder dans les yeux mais perd rapidement ses moyens, fuyant le restaurant. La vidéo de Kurosaka va finir de nourrir un rêve coquin et augmenter son malaise.


Kurosaka va faire comprendre à ce grand benêt qu’il a eu un coup de foudre et qu’il ne perd rien à tenter sa chance. Sauf que, dans la précipitation, Kiyoshi ne va pas se contenter d’aborder la jeune femme mais, carrément, la demander en mariage.


C’est à ce moment précis que le titre aurait pu prendre une tangente déplaisante mais s’en sort avec brio. Sumi dévoile qu’elle est lycéenne. Kiyoshi va avoir, ce que je trouve, une excellente réaction : s’excuser de son comportement. L’adulte ne profite pas de son rôle d’ascendant. Sumi va, contre toute attente, réclamer que Kiyoshi attende qu’elle ait fini le lycée (ce qui sous-entend, aussi, sa majorité).


Sans Expérience va donc se concentrer sur ce début de vie commune qui brûle toutes les étapes. Le tome un explicite d’ailleurs les raisons de pourquoi Sumi accepte ce mariage, dévoilant un personnage qui a acquis de la maturité en vivant chez ses grands-parents. Surtout Sumi et Kiyoshi cherchent à aménager une vie commune saine, chacun souhaitant le bien-être de l’autre et apprenant à s’aimer. Les maladresses sont excusées, des discussions sont menées et l’autrice veille à montrer une résolution saine des problèmes sans chercher à enfermer le couple dans des non-dits gênants.


La série n’est pas dépourvue d’humour même si j’ai du mal à imaginer une jeune adulte comme Sumi être si innocente qu’elle ne reconnaît pas un préservatif. La sexualité n’est nullement un sujet ignoré (en même temps Kurosaka l’a abordé de front) mais ne fait jamais l’objet de blagues graveleuses. Cela sert même de terreau à des échanges entre les personnages sur la place de la sexualité dans le couple. Je pense qu’on a tous connu ces fameux discours assénant qu’il fallait perdre la virginité à un certain âge, mener des pratiques à un certain rythme, etc. Sumi et Kiyoshi n’ayant aucune expérience dans le domaine, ils vont devoir apprendre ensemble (et avec l’aide d’amis qui filent des conseils avisés, ou soulèvent des interrogations).


Mention spéciale à Minori, la patronne de Sumi, qui assume sans complexe sa sexualité. Si l’autrice la présente comme une jeune mère comblée et épanouie, elle lui offre aussi un moment auprès de Sumi où elle évoque ses complexes passées. Si Kiyoshi a du mal avec son embonpoint, Minori a souffert du fait d’être bien lottie par la nature.


On pourrait craindre que la série se répète au bout d’un ou deux tomes, néanmoins Mayu Minase sait renouveler la recette. Après le déménagement, vient le moment de s’habituer à la présence de l’autre. Lors du tome 2, je craignais le cliché de l’amoureux transi qui ne s’est jamais déclaré et vient s’immiscer dans la vie du couple. Il n’en est rien. L’autrice profite de ce personnage pour parler des sentiments naissants et, surtout, amener Sumi à réfléchir sur sa relation avec Kiyoshi. Le tome trois se concentre sur le voyage en lune de miel, étape obligatoire pour de jeunes tourtereaux.


Petit à petit, Kiyoshi et Sumi se rapprochent physiquement et apprennent à mieux se connaître. Peut-être est-ce un récit un peu trop parfait, mais je trouve l’ensemble du message positif et rafraîchissant. Les romances entre adultes ne sont pas forcément légion. Sans Expérience prône la bienveillance, l’écoute au sein du couple et nous explique que chacun a son propre rythme. Qu’il faut le respecter. Il n’y a pas de modèle préétabli à suivre au pied de la lettre. Au sein d’une société qui a trop longtemps cherché à codifier les relations amoureuses (et sexuelles), c’est un message qui fait du bien à lire.


En plus le trait de l’autrice est tout en rondeurs, proposant des personnages qui, je trouve, ont des physiques probables, presque communs, mais qui possèdent leur charme. Kiyoshi est d’ailleurs souvent comparé à un ourson par son épouse, pour son côté tendre et son gabarit. Mayu Minase use de pages pleines pour placer Sumi et Kiyoshi face à face, exposer leurs sentiments et ça fonctionne parfaitement. On a cette impression de voir le personnage à travers les yeux de sa moitié.


Delcourt / Tonkam propose d’ailleurs une très belle édition avec pages couleurs. Les illustrations en début de tome sont à l’image des couvertures : charmantes par leurs coloris pastels et touchantes par la mise en scène du couple.


Si vous cherchez un titre réconfortant par son ode à la bienveillance et de la romance entre adultes, je vous conseille Sans Expérience. Si jamais vous tentez l’expérience, ou l’avez déjà fait, je serais curieux de connaître votre avis.

So-chan
7
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le 28 févr. 2022

Critique lue 10 fois

So-chan

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