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S’enfuir, récit d’un otage
7.4
S’enfuir, récit d’un otage

BD franco-belge de Guy Delisle (2016)

Quand Guy Delisle transforme l’immobilité en odyssée et nous rappelle que l’ennui, c’est une prison

Avec S’enfuir, récit d’un otage, Guy Delisle s’attaque à un récit vrai, mais hors du commun : la captivité de Christophe André, un travailleur humanitaire enlevé au Caucase en 1997. Ce qui aurait pu être une série d’événements haletants se transforme sous la plume de Delisle en une chronique de l’attente, de l’introspection, et du quotidien d’un otage. C’est à la fois fascinant, oppressant, et parfois, étrangement banal.


L’histoire ne joue pas la carte de l’action ou du sensationnalisme. Ici, pas de spectaculaire évasion ni de sauvetage hollywoodien. Tout est dans la répétition, la solitude, et la manière dont Christophe occupe son esprit pour ne pas sombrer. On suit ses journées rythmées par le silence, l’incertitude, et quelques échanges glacials avec ses geôliers. Si cela peut sembler monotone, c’est précisément cette approche qui rend le récit si captivant : Delisle nous plonge dans la peau d’un homme privé de tout, sauf de ses pensées.


Christophe André, bien que réduit à l’état d’otage, reste incroyablement humain. Ses petits rituels, ses espoirs fragiles, et son calme face à l’absurde en font un personnage auquel il est impossible de ne pas s’attacher. Il ne s’agit pas ici d’un héros hollywoodien, mais d’un homme ordinaire confronté à une situation extraordinaire.


Visuellement, Guy Delisle adopte un style minimaliste qui sert parfaitement le récit. Les cases dépouillées et les palettes limitées reflètent l’austérité de l’environnement de Christophe, amplifiant le sentiment de claustrophobie. Chaque détail compte, qu’il s’agisse de l’angle d’une pièce ou du simple geste de repositionner ses chaînes. Ce dépouillement visuel, loin de lasser, plonge le lecteur dans une immersion totale.


Narrativement, Delisle réussit un tour de force : captiver son lecteur avec presque rien. Les silences, les petits gestes, et les pensées répétitives de Christophe créent une tension constante. Cependant, cette approche peut aussi frustrer ceux qui s’attendent à un rythme plus soutenu ou à des rebondissements. Le récit est un marathon, pas un sprint, et c’est dans cette lenteur que réside toute sa force.


Le principal défi de S’enfuir réside dans son choix assumé de montrer la réalité brute de la captivité, sans artifices. Cela peut sembler monotone pour certains lecteurs, mais c’est précisément ce réalisme qui rend le récit si poignant. On ressent l’ennui, la peur, et l’attente comme si on partageait la cellule de Christophe.


En résumé, S’enfuir, récit d’un otage est une œuvre puissante qui explore l’humanité dans une situation extrême. Avec un récit dépouillé mais riche en émotions, et un style graphique qui amplifie le poids de chaque moment, Guy Delisle livre un témoignage captivant et terriblement humain. Une lecture qui rappelle que la plus grande évasion commence souvent dans la tête.

CinephageAiguise
8

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleures BD de 2016

Créée

le 31 déc. 2024

Critique lue 2 fois

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