De part sa narration cinématographique, son sens du dialogue dur mais jamais trop vulgaire et la noirceur de son œuvre, Miller à réussi à s'allier une majorité du public adulte, mais aussi des fans de comics voulant des histoires plus violentes. Car dans Sin City la violence est omniprésente, parfois belle avec Miho, parfois dégueu et crade comme avec Marv. Pour ce qui est des histoires, il ne faut pas se leurrer, c'est le point faible de Miller. Si les deux premiers volumes (ceux qui ont élevé Sin City à son statut actuel) sont assez différents quoique semblables, on s'aperçoit à la lecture des différents volumes que toutes les histoires se ressemblent. Le héros se retrouve dans une embrouille à cause d'une femme et se fait manipuler par elle ou l'aide à se venger. Cette quasi absence d'histoires différentes (tempérée par les histoires courtes du volume Des Filles et Des Flingues) finit par être un peu écoeurante et on a l'impression de lire la même histoire, mais avec des héros différents.
Du coup, ce qui sauve Frank, ce sont ses dialogues, ses ambiances, ses personnages forts et attachants, ce réalisme sombre qui se lit à plusieurs niveaux. Certains n'y voient que du roman noir, d'autres y voient la volonté de promouvoir la liberté de la femme, avec ses prostituées si libres, d'autres y voient encore des histoires anticléricales et un appel à la débauche et à la violence.
Ce qui fait surtout le succès de la série, c'est le talent graphique de Miller qui a délaissé la couleur (sauf pour quelques planches de L'enfer en Retour, ou certaines couleurs pour certains personnages, mais toujours une teinte), au profit d'un noir et blanc sans compromis, pas de gris, juste ces deux couleurs. Ses dessins sont moins finis, mais du coup se fondent dans la page pour mieux vous surprendre. N'allez pas croire que Franck soit devenu feignant car, avant d'effacer certains traits, il dessine ses personnages en entier. Avec ces deux couleurs, Miller peut aussi se permettre un découpage très différent, allant parfois du simple dessin par planche à plusieurs cases, voire même ne faire que deux dessins sur une planche nullement séparée en cases. Ce découpage très cinématographique plonge vraiment le lecteur dans les bas-fonds de Sin City comme une plongée en apnée. Du coup, la faiblesse scénaristique ne survient qu'après lecture.
Au final, Miller a créé une ambiance jamais vue jusqu'alors, avec des graphismes impressionnants, un scénario béton pour les deux premières histoires, le tout desservi par une ambiance glauque à souhait. A noter que dans certains volumes une teinte de couleurs vient changer la donne. Le jaune crado pour le batard jaune le rend encore plus immonde, le Bleu pour Délia permet de l'identifié et la renforce comme personnage à part. Seul quelques planches de L'enfer en retour contiennent de la couleur et ce ne sont pas les plus belles et de loin.