Sioban - Complainte des Landes perdues, tome 1 par Eldgjá

Voici une série à l'excellente réputation que je n’avais pas eu l’occasion de parcourir. Et je dois bien admettre que je reste un peu sur ma faim après la lecture des deux premiers tomes.
Le dessin d’abord, très classique, n’est pas assez chatoyant à mon goût, manquant un peu de couleur, surtout dans le premier tome. Mais il faut reconnaître qu’il renforce l’atmosphère de l’univers qui tend vers la dark fantasy .
C’est surtout le rythme de progression du scénario qui m’a beaucoup surpris. Le premier tome met en place assez lentement l’univers et la situation politique de l’Eruin Dulea dont le sort est suspendu à l’accomplissement de l’intrigante Complainte des Landes Perdues, qu’on attend comme le réveil des forces du bien dans ce monde sinistré. Celle-ci arrive bien vite dans le second tome, sans vraiment prévenir ni que l’on comprenne ce qui l’a déclenchée. Et, « surprise », la princesse Sioban en est l’élue (merci d’avoir répété « celui OU CELLE qui l’entendra », au cas où le gars qui dort au fond de la salle n’aurait pas saisi...). Quelques jours plus tôt elle savait à peine de quoi il s’agissait mais elle n’a pas l’air surprise d’être celle qui libérera le monde du joug de l’usurpateur. Il est ainsi très surprenant et frustrant qu’il n’y ait pas de phase d’apprentissage pour la princesse, immédiatement initiée à son destin qu’elle accepte sans broncher. Au point d’ailleurs de se jeter seule dans la gueule du loup pour confronter son adversaire, au moment où toutes les forces du monde se mettent en mouvement et se dirigent vers Blackmore. A nouveau on ne sait pas trop pourquoi ici à Blackmore, d’autant qu’on a trop peu d’éléments de contexte justifiant de l’apparition de ces armées : tout le monde souscrit sans tiquer à ce qui n’est pourtant décrit que comme une légende. Sioban elle fonce directement chez son rival sans son armée des morts, pour une rencontre qui va vite tourner en l’affrontement tant attendu. Un affrontement qui doit décider du sort du monde et qui sera franchement bâclé : deux révélations et un coup d’épée plus tard et c’est fini, affaires pliées on remballe.
C’est toute la gestion du suspens qui pèche dans cette œuvre. Absolument tout dans le récit mène à la fameuse confrontation, à commencer par ce mystérieux titre qui intrigue, mais cette confrontation accouchera d’une souris. L’héroïne n’aura finalement ni apprentissage, ni doutes, ni péripéties pour accomplir son destin finalement bien trop linéaire. Je suis désolé mais si Frodon avait détruit l’anneau dès son arrivée à Bree, la portée du Seigneur des Anneaux ne serait pas ce qu’elle est. Ici ce deuxième tome boucle à toute vitesse l’intrigue du titre de la série, sans jamais n’offrir ni périls ni rebondissements. De ce fait, il est difficile de prendre parti pour la princesse. D’autant qu’on a bien du mal à comprendre pourquoi Obla et Bedlam les usurpateurs sont présentés comme le mal absolu, responsables des ténèbres qui règnent sur le royaume. Car de nouveau on insiste sur les mots : ils sont le mal, et on doit l’admettre sans ciller, alors même qu’ils ne sont pourtant que les membres d’une branche de prétendants au trône (la seule faute d’Obla étant d’être un bâtard). On peine à saisir en quoi cela en fait l’incarnation du mal comme c’est présenté avec insistance.
Ce manichéisme forcé est à l’image de ces deux tomes. Pour beaucoup d’éléments, le lecteur doit admettre sans se questionner. Tout est finalement traité en surface, jusqu’aux personnages qu’on ne connait réellement qu’au travers de quelques flashbacks. Seamus est ainsi une sorte de prophète sorti de nulle part, initié on ne sait comment à la légende, et qui mettra en marche une armée sortie d’on ne sait où, armée qui viendra affronter une flotte au pied de Blackmore sans qu’on sache pourquoi là, ni pourquoi le château prendra parti contre son allié. Peut-être ces explications existent, sans doute viendront-elles plus tard, mais ce sera trop tard, puisque la trame de la Complainte est déjà bouclée. L’effet ne sera plus le même, le suspens ayant déjà disparu. Dommage à ce sujet d’avoir perdu des planches à rajouter la caution humour/fantasy qu’est le mignon mais très dispensable Zog.


En résumé, j’ai le sentiment que la réputation flatteuse dont jouit cette série tient plus de son étiquette de classique, étiquette portée par son dessin et surtout je pense par la nostalgie de certains qui regrettent le temps où le genre Heroïc Fantasy était moins commercial. Parce qu’en ce qui me concerne elle se lit très bien mais est loin de mériter certains qualificatifs dithyrambiques déjà aperçus.

Eldgj
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le 5 oct. 2018

Critique lue 234 fois

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Eldgjá

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