Comment on devient Dieu ET Satan...
Le trait est gras, charbonneux, lourd, il absorbe immédiatement le lecteur dans cette atmosphère pesante, dans l'aura puissante d'un chanteur élevé au rang de dieu vivant ou de suppôt de satan, c'est selon. L'ambiance est hypnotique, l'euphorie de l'instant de gloire est dessiné de manière aussi impressive que le shoot d'héroïne; une même jubilation dans laquelle se noie le "héros", dont on a parfois l'impression qu'il cherche à boire dans ces deux élixirs "son ayahuasca" (ce breuvage des chamanes indiens) qu'il cherche ainsi à se révéler à lui-même, révélation qu'il ne trouvera que sous la violence des coups? D'un point de vue graphique c'est magistral ce que nous propose Julie Maroh.
Réflexion percutante sur le mimétisme humain, comment se créé-t-on des dieux, comment on fait des monstres, comment on devient l'un ou l'autre quand on est porté, porté par quoi?
Le seul bémol dans cette œuvre, à mon sens, c'est le fait que le lecteur n'entre jamais en empathie avec le héros. Du point de vue omniscient du lecteur, on garde un regard froid, on le voit immédiatement comme le tyran qu'il est; j'aurais voulu l'adorer ET le détester, ressentir ce que ressentent les proches et le public du charismatique "Tazane".
Très grand moment de lecture de 2013, et grande satisfaction à l'idée que ce soit des jeunes femmes comme Julie Maroh ou bien Chloé Cruchaudet qui nous offrent ce qui se fait de mieux en ce moment du côté du Neuvième Art.
NB: Contrairement à ce que je lis ça et là, les notes de l'auteur en fin d'album sont très lisibles, très efficaces, elles n'expliquent pas l’œuvre (elle n'en a nul besoin!) elles poussent juste la réflexion plus loin encore.