Si la carrière du mangaka Junji Ito est constellée d'horreur illustres et de personnages monstrueux, il en est un, tout aussi iconique, mais qui ne rentre pas dans ces cases-là. Son nom est Soichi, est c'est sûrement la création la plus emblématique de l'auteur : retour sur sa vie à travers le crayon du maître, dans l'intégrale inédite de Mangetsu.
L'histoire de Soichi
Michina et Yusuke sont deux adolescents venus passer leurs vacances chez la famille de Soichi. Si aux premiers abords ils sont simplement surpris par l'étrange aura de leur cousin, ils ne sont cependant pas prêt à ce qu'il leur réserve... Poupées vaudou, farces machiavéliques, possession, spiritisme... les vacances vont être éprouvantes.
Bienvenue dans l'univers de Soichi, où y cohabitent quelques figures célèbres de Junji Ito, et qui mêle un humour grotesque digne d'un Allan Poe et des farces macabres qu'on ne souhaite à personne...
Comme dit plus haut, le jeune garçon qu'est Soichi est un personnage clé dans la carrière de Ito même si, à l'origine, il ne pensait pas l'exploiter davantage (c'est son directeur éditorial qui l'incitera à approfondir ce personnage!). Facétieux et fourbe, ce garçon qui passe son temps à sucer des clous et à marmonner dans son coin est l'incarnation absolu du parasite : vivant au sein d'un cocon familial des plus normaux, il fait pourtant figure d'être à part, désireux d'être remarqué avec son sourire en coin sordide, et ne laisse jamais personne tranquille.
Cette intégrale regroupe plusieurs récits jamais traduits en France, et permet de découvrir l'évolution du trait du mangaka depuis 1991 jusqu'à 2011. Trois cycles narratifs composent ce recueil de plus de 500 pages, et permettent de voir les aventures de cet enfant terrible sous un regard neuf, étoffés par le travail d'édition impeccable.
Si les premières histoires, comme Vacances d'été, le montre comme un personnage malfaisant et taquin refusant toutes onces de connexion social, Soichi devient rapidement dotés de pouvoirs surnaturels lui permettant d'exercer une sorte d'emprise sur sa famille et ses victimes, en allant parfois jusqu'à prendre possession de personnes.
Pourtant, il n'y a jamais de morts dû à ses méfaits, et Junji Ito semble prendre un malin plaisir à instiller le doute quant à la véritable nature de ce garçon au regard clouté en posant des conclusions floues. Pourtant, sa connexion avec le monde des morts paraît si réelle... qui est vraiment Soichi, finalement ?
Une piste de réponse que dévoile Morrolian, expert de l'auteur dans nos vertes contrées, dans sa postface, est que le personnage de Soichi soit finalement un reflet déformé de Ito et de ses peurs : après tout, on retrouve en ce garçon la peur des femmes belles, l'aspect asocial que le mangaka avait durant son adolescence... Un élément de réponse, qui donne une portée presque autobiographique à ces courtes histoires.
Au final, ce recueil se lit d'une traite, tant on est pris dans cet univers familier. On retrouve un trait net et précis, et quelques frayeurs sont à prévoir.