Solanin, tome 1 par Biskuit
Solanin est un livre qui se lit de droite à gauche, ah oui c'est un manga dont il s'agit, et puis tous les tomes sont en même temps, c'est pratique et ça s'appelle une intégrale (version anglaise, ceci dit). A côté de ça, les personnages ont souvent de grandes bouches et de petites gouttes de sueur autour, c'est parce qu'il fait chaud à Tokyo, ils sont jeunes et beaux mais fragiles et perdus, hé oui c'est le lot de la nouvelle génération, tous dans le même cas ou presque, un peu partout dans le monde.
Cette jolie femmeest une jeune nippone amoureuse d'un jeune nippon jouant dans un groupe de rock mais travaillant parce que la vie ce n'est pas drôle mon petit il faut bosser pour payer ses factures même si on aimerait bien rester à gratter tranquillou de la guitare chez soi. Elle s'appelle Miko et son ami s'appelle Taneda. Ils sont malheureux dans leur travail, et c'est fort dommage, parce que cela constitue la grosse majorité de leur journée ou de leur nuit. Ils sont donc malheureux tout court, se croisant à peine, sans rêves, sans avenir, totalement désabusés.
Mais Miko ne se laisse pas faire, elle veut secouer sa vie, et la voilà qui un jour quitte son travail, avec toutes les incertitudes que cela peut comporter, dans l'espoir de pouvoir enfin se réaliser. Elle ne sait pas encore comment, ni avec qui, car cela influe bien entendu directement sur sa relation avec Taneda. Solanin parle ainsi avant tout de recherche de soi, un thème certes typiquement japonais - mais qui a le mérite de parler à chacun d'entre nous. Comment infléchir sur sa vie, dans quel sens doit-on au mieux l'affronter, quelles en sont les conséquences parfois (trop) lourdes à porter.... bref, comment être heureux dans une société où l'on se sent à l'étroit, parce que tout est réglé comme du papier à musique et conditionné d'avance ? Peut-on écrire sa propre partition, ou même improviser, tout simplement ?
Vous l'aurez compris, ce manga va bien plus loin qu'une simple histoire d'amourette ou de rock band, bien que cela reste le fil conducteur : le groupe de musique n'est qu'un prétexte pour pointer les désillusions de ses jeunes membres se débattant dans le zoo qu'est le monde adulte. Nous suivons ces personnages, nous nous attachons à leurs états d'âme, à leurs désirs, leurs manques, tout étriqués qu'ils sont, courant désespérement derrière leurs passions qu'ils voient s'éloigner irrémédiablement. La tête pleine d'utopies, on les voit se ranger, sombrer, puis de nouveau lutter, par la musique, la dérision, l'amour, la fantaisie, par ce qu'ils peuvent, avant de succomber encore une fois.
Et nous voilà avec entre les mains un manga très beau esthétiquement, aux dessins très soignés et très expressifs, contant une tranche de vie comme il en existe tant d'autres, banale, mais enveloppée de notes de musique, de touches d'affection, de pointes d'humour aussi, et liée par les batailles et l'espoir. Asano Inio touche du doigt au passage le deuil, le choc des générations, les abus au travail, l'hypocrisie - tout en sachant rester léger et en laissant un goût agréable après (re)lecture. On gamberge un peu, mais on prend surtout plaisir car tout est traité en finesse.
Alors si jamais vous croisez par hasard le regard de cette jeune femme... n'hésitez pas... elle s'appelle Miko... laissez-vous porter, offrez-lui votre toit et une jolie place dans votre bibliothèque. Elle a plein de choses intéressantes à vous raconter.