Tsutomu Takahashi est immédiatement devenu pour moi un auteur à suivre de près après la lecture du fabuleux Sidooh (dont la parution est malencontreusement interrompue dans nos contrées par l'exécrable éditeur Panini Manga) ; un peu moins emballé par son manga suivant (chez Kana je crois), Bakuon Retto, j'étais tout de même allé au bout de ce qui reste un manga tranche de vie extrêmement solide (sur l'univers des "Zoku", mi-motards mi-délinquants japonais des années 1970-80).
Bref, je n'ai pas hésité trop longtemps à donner sa chance à cette nouvelle production, même en sachant que Panini était de nouveau aux manettes (il est d'ailleurs étonnant que l'ayant droit ait accepté de confier une nouvelle fois une de ses œuvres après le sort fait à Sidooh...), car le manga était déjà fini au Japon en 8 tomes, et je me suis dit que pour un nombre si faible de volumes, les chances d'une interruption prématurée étaient tout de même faibles (les faits m'ont donné, heureusement, raison).
Allons à l'essentiel, j'ai adoré ce manga dont j'attendais chaque nouveau tome avec impatience: le tout commence sur un pitch assez convenu, avec une histoire d'anges gardiens qui reviennent de chez les morts pour aider les vivants; là où ça devient moins banal, c'est que notre héroïne va se retrouver à protéger ni plus ni moins que le 1er ministre du Japon...Celui-ci, apprenant sa mort prochaine, décide de laisser une empreinte durable sur son pays en l'entraînant dans la voie de la sortie du nucléaire, dans une société encore traumatisée par Fukushima.
Le récit est brillant en ce qu'il transcende son point de départ fantastico-surnaturel pour déboucher sans doute sur l'un des mangas politiques (au sens fort du mot) les plus percutants de cette décennie. La narration est littéralement hantée par le fantôme de Fukushima (où se passe d'ailleurs une partie des évènements principaux du manga), l'auteur assumant haut et fort une position aussi tranchée que courageuse sur la sortie du nucléaire. En brossant ce portrait d'un politicien prêt à tout pour faire triompher ses idéaux, on devine que Tsutomu Takahashi regrette de ne pas voir des politiciens de cette trempe actuellement dans son pays.
Autre point fort du manga, car celui-ci conserve tout de même une importante dimension fantastique, son méchant (un spirite tombé du côté obscur de la force comme on dit) est on ne peut plus mémorable...et littéralement flippant, transcendé par le dessin de l'auteur qui, le dépeignant dans des postures et attitudes étonnamment dérangeantes, en fait une figure du mal absolu, qui, dans sa haine totale pour le genre humain, va transpirant littéralement des miasmes de négativité et de méchanceté...comme (en un parallèle frappant) le "cadavre" de l'ex-centrale nucléaire ayant rendu inhabitable une large partie du territoire japonais.
Pour conclure, un manga à lire absolument si vous en avez l'occasion, d'autant plus qu'il est relativement court. Si je n'avais qu'un seul bémol, ce serait sans doute pour la fin : (spoiler)
un happy-end un peu forcé qui semble un peu en décalage avec la tonalité générale du manga et les évènements (tragiques) qui y sont dépeints tout du long.
Mais à part ça, c'est vraiment du tout bon!