La fin d'une ère... et le début d'une nouvelle (ou plutôt le retour d'une ancienne)

(Panini Comics faisant régulièrement n'importe quoi avec ses parutions, attention à ne pas confondre cet album avec un autre du même nom. L'album ici présent ne regroupe que les épisodes signés Dan Slott soit #546-548, #559-561, #564, #568-573)


Lorsque Joe Quesada prend les rennes de Marvel Comics, sa ligne éditoriale décide de faire la part belle aux auteurs singuliers, venant notamment du milieu indé. C'est ainsi que Mark Millar prend en charge le premier gros event de son capitanat ou bien que Brian Michael Bendis (alors connu pour des récits policiers de très bonne facture) s'occupe des Avengers et va leur conférer la popularité qu'ils conservent encore aujourd'hui (il faut se rappeler qu'à cette époque, Avengers est encore un titre mineur et que Spider-Man et surtout les X-Men se vendent beaucoup plus). L'un des choix les plus marquant est celui de Joe Michael Straczynski pour chapeauter les aventures de l'homme araignée. L'auteur de "Rising Stars" développe toute une mythologie autour des animaux, fait entrer Peter Parker dans l'âge adulte et fait beaucoup évoluer le personnage, tout cela culminant dans un climax au suspens inégalé pendant Civil War... qui tournera en eau de boudin : en désaccord avec les choix éditoriaux, le scénariste claque la porte et laisse un Peter désespéré par le sort de sa tante dans le coma, qui sombre dans la violence, devenu un paria et un hors la loi pour s'être opposé à la loi de recensement, traqué par un Tony Stark qui a viré facho.

Marvel prend alors une décision incompréhensible : jouer petite bite en effaçant d'un coup de baguette magique tous les éléments mis en place par Straczynski. L'éditeur sort Méphisto d'un chapeau et pouf, tout le monde oublie l'identité de Spider-Man (alors que c'était la décision la plus courageuse que Marvel ait prise depuis des années).


Et nous voici donc à l'aube d'Un Jour Nouveau. Une nouvelle ère pour Peter Parker. Parce que Méphisto a fait du zèle. Enfin, Méphisto (belle métaphore de l'éditeur que celui d'un démon avec qui on passe un pacte foireux, Jung serait ravi de cette trahison de l'inconscient) est plutôt nostalgique. Le but avoué de Marvel était de retourner au golden age du personnage, soit un Peter fauché, galérien et surtout non marié. Mais aussi une époque où Harry Osborn était encore vivant. C'est donc une période plus légère qui débute, en totale contraste avec celle qui vient de se terminer. Et sur le plan éditorial, c'est une drôle de mécanique qui se met en place : un titre qui paraît 3 fois par mois, avec plusieurs scénaristes qui se relaient, chacun signant un arc complet avant de céder sa place. Parmi ceux là, l'un d'eux va se démarquer au point que Marvel finira par lui confier les commandes du personnage à lui seul pour un run qui sera l'un des plus long.

Pour l'instant, Dan Slott s'occupe de rétablir le statu quo dans la vie du tisseur, de retour chez sa tante comme au bon vieux temps, séparé de MJ (sans qu'on nous explique exactement ce qu'il s'est passé, ça Joe Quesada s'en chargera dans "One Moment in Time", la plus mauvaise blague de Marvel), fauché, cherchant un job et finissant donc par retourner au Buggle, détesté de la population... bref, c'est le retour d'une vision passéiste, en totale opposition avec ce qu'avait vécu le personnage avant.


Slott invente de nouveaux vilains, notamment Mister Negative, le seul ajout qui tiendra à peu près la route durant cette période (mais qui finira plus ou moins oublié); il développe la vie personnelle de Peter, désormais libre d'occuper son temps comme il l'entends maintenant qu'il n'est plus en couple avec MJ, ajoutant un côté soap à la série, un côté teenage aussi, on pense souvent à Archie Comics et ça pose un problème parce qu'on a l'impression d'un rajeunissement sévère du personnage : le Peter Parker actuel est il toujours celui qui a été membre des Avengers, protégé de Tony Stark, celui qui a été prof, qui est mort violemment agressé par Morlun avant de renaître? De quoi Peter se rappelle t'il concernant son passé? Là, c'est un peu comme si un pan entier de l'histoire du personnage avait été effacé et que celui ci avait à nouveau 18 ans.

Slott essaie aussi (comme à son habitude) de placer des références à la société moderne histoire d'adapter le personnage à son époque : ainsi Overdrive est fan du personnage malgré son statut de vilain, Parkour joue les Yamakasis tout en filmant ses cascades pour les mettre en ligne et le nouveau propriétaire du DB transforme le journal en tabloïd. C'est l'occasion pour Slott de rappeler les fondamentaux du personnage, notamment qu'un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, ce dont va devoir se souvenir notre héros lorsqu'il utilise ses capacités pour des oeuvres aussi basses que le métier de paparazzi.


La première longue saga de cette nouvelle ère, "36 façons de mourir" remet au centre de l'arène plusieurs personnages emblématiques de la vie du tisseur, à commencer par Norman Osborn, à cette époque à la tête de la sécurité du pays avec ses Thunderbolts. L'occasion de retrouver un Norman plus retors que jamais, d'autant plus que la loi est avec lui. Dan Slott ramène aussi pour l'occasion ce vieux briscard de John Romita Jr au dessin pour enfoncer le clou. Ce long arc permet d'approfondir la relation entre Harry et son fils et de mettre au clair leur situation, maintenant que Harry est revenu comme par enchantement. A côté de ça, Slott invente un Anti-Vénom et redonne donc de l'importance à Eddy Brock et lève une partie du voile concernant Mr Negative/Martin Li, approfondissant le personnage qui jusque là se bornait à être un nouveau vilain/mafieux intéressant mais encore limité. Et tout ça fonctionne parfaitement, notamment parce qu'il n'y a aucun temps mort et que l'action et les révélations pleuvent en continu : on a rarement connu une saga aussi dense. Seul bémol : avec tous les indices qu'il récupère, Norman Osborn est normalement assez intelligent pour comprendre l'identité de son ennemie intime, voir qu'il n'est pas capable d'en tirer les conclusions qui s'imposent est un peu illogique. Mais on passera sur cette incohérence mineur qu'on mettra sur le compte de la volonté de l'auteur (ou de l'éditeur) de conserver l'identité secrète du tisseur qu'il a retrouvé juste avant. En tout cas, cette saga est vraiment le gros morceau de ce relaunch qui permet vraiment de mettre en place des éléments majeurs; il y a un vrai contraste entre le début du tome et cette saga tant on a l'impression que tout se met en place quand avant ça, Slott et ses camarades ne faisaient que préparer le terrain.


Au final, malgré le regret de la conclusion foireuse de "Back in black" et ce retour en arrière un poil conservateur, l'ensemble ne s'en sort pas si mal, bien aidé par l'arc "36 façons de mourir".

DocteurBenway
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le 28 mai 2024

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