Et si l'homme n'était vraiment jamais allé sur la Lune ?
Et si le Yéti arpentait réellement les froides contrées du Tibet ?
Et si la Terre était plate, cachant à son extrémité une vérité inimaginable ?
Avec des si, on refait un monde à l'image que l'on souhaite, mais dans l'univers de The Department Of Truth, c'est encore pire : ici, la science ne fixe pas la vérité d'un fait tangible. Plus il y a de gens qui croient en une prétendue vérité, plus elle devient réelle, supplantant l’histoire-même. C'est ce qu'apprend l'agent Cole Turner, spécialiste en théories conspirationnistes, quand il se fait débaucher par une unité spéciale inconnue du gouvernement : le Département de la Vérité.
Leur objectif est simple : empêcher que certaines théories du complot n'obtiennent trop d'adhérents afin de préserver l'équilibre entre vérité et mensonge. Face à eux, un groupuscule nommé Black Hat n'hésite pas à tapisser l'esprit des gens d'un épais vernis de doute, laissant la porte ouverte aux interprétations les plus alambiquées.
Et encore, il faudrait aussi parler du Ministère du Mensonge, le pendant russe du département.. La guerre en cours est celle de l’information, et tout le monde est prêt à la remporter, qu’importe le prix.
Mais ce que le lecteur, ainsi que Cole Turner, apprendra bien vite, c'est qu'il ne faut se fier à personne, et surtout pas à ceux qui érigent fièrement la bannière de la réalité. Bienvenue dans l'un des comics les plus paranos jamais édités, avec aux manettes le grand génie de cette décennie, James Tynion IV (eh, vous avez lu The Nice House On The Lake ?), et côté dessin le cador du moment, Martin Simmonds.
Dans cette saga toujours en cours, le lecteur sera guidé dans un défrichement complet du modèle conspirationniste actuel, des théories les plus en vues jusqu'aux sombres secrets de fonds de tiroir du gouvernement. Avec une rigueur digne d'un documentaire, Tynion IV arpente les travers de la croyance populaire, se perdant parfois dans un ton trop verbeux et analytique, mais gardant toujours en vue sa ligne directrice.
Avec une rigueur presque religieuse, il dissèque sectes satanistes, UFO, tulpa et compagnie afin de nous immerger complètement dans cette œuvre de politique-fiction unique en son genre.
Mais l'un des gros points forts de cette saga, c'est bel et bien la débauche graphique somptueuse qui l'accompagne. Simmonds s'inspire très clairement du travail d'un autre grand nom du comics qu'est Dave Mc Kean (Arkham Asylum, que j'aime de tout mon coeur) pour élaborer un vaste canevas visuel chargé d'une symbolique forte : figures géométriques diverses parsemant les cases, photomontage, alternance de styles graphiques en un tout cohérent… L’exploration de la vérité unique est un voyage complexe et visuellement déroutant, dans The Department Of Truth.
Reste désormais à savoir si vous êtes prêts à aller jusqu’au bout du voyage… Alors ? Pilule bleue, ou pilule rouge ?