Horreur et curiosité

Jim Woodring c'est ma grosse révélation en cette année 2018.
Tombé dessus grâce à une énième liste Senscritique, je ne m'attendais pas à recevoir une telle claque dans la tronche.

Déjà ce qui m'a frappé c'est l'ambiance générale de l'oeuvre, si je n'avais pas vu la date, je me serais vraiment cru devant une BD beaucoup plus vieille que ça, Frank transpire les années 30 style Felix the cat (bon je fais avec mes références...) de part son design, son absence de parole et ses situations rocambolesques et non-sensique.

Narrativement comme ça se caractérise ? : des histoires courtes (sur 3-4 pages pour la plupart, grand maximum une 20aine) , sans la moindre bulle, dans un monde surréaliste où aucune explication n'est donnée, il n'y a pas vraiment de timeline ou presque (j'ai du compter deux chapitres je crois qui pouvaient vraiment se suivre), humour noir, ironie et cynisme sont à l'oeuvre!

Du coup qu'est ce qui rend cette oeuvre si attractive et si incroyable?
Tout d'abord le trait de Jim Woodring, Frank personnage typique des années 30 erre dans un monde à première vu sans queue ni tête, un univers très organique, tout peut prendre forme dans Frank (ou se déformer) , tout est danger ou curiosité morbide.
Les décors sont fait de nombreuses hachures et de petits détails qui, si on s'y attarde, remplace les lignes de dialogues et en dises long sur l'état des personnages.
Le style générale emprunte beaucoup à Ernst Haeckel, surtout pour sa représentation assez symétrique de certaines créatures et entités divines, qui vivent selon leur propre logique et leur propre règle.

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L'univers de Frank, et c'est à mes yeux ce qui fait que l'ensemble est si incroyable, est doté d'un atout visuel dont Jim Woodring a le secret, celui de la curiosité...
Ce monde est fait de divers portails, de couloirs étranges, de fenêtres, de portes qui renferment toutes des choses extraordinairement mystérieuses, des visions d'horreurs, des drames, parfois des absurdités, des mondes parallèles peuplés d'étranges espèces en tout genre, c'est juste jubilatoire :

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Exemple typique des dangers présent dans l'univers de Frank et ce que cela engendre sur l'espace
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Si on se contente d’enchaîner toutes ces petites histoires, sans prendre la peine d'y revenir, bien-sur que le tout peut sembler incohérent, illogique, sans queue ni tête, mais si on prend la peine de se replonger dans cet univers une seconde fois, on se rend compte que toutes ces règles nous deviennent familières, on retrouve certains éléments, certains petits détails dans d'autres histoires et on a cet agréable impression d'y voir quelque chose de cohérent prendre vie, certes quelque chose qui a ses propres lois physiques, ses propres absurdités, ses propres codes visuels, sa propre gestion de l'espace et du temps, mais au final on l'aime cet univers et Jim Woodring joue habilement avec la curiosité de Frank et celle du lecteur.

Les personnages marquants ne manquent pas, on a un espace de Satan avec une tête en croissant de lune qui semble se positionner au dessus de tout ce qui se passe, un putain de tortionnaire qui n'a pas la gueule d'un type de confiance
Manhog un espèce de gros cochon/humain avec de gros testicules qui va s'en prendre plein la gueule dans (presque) chaque histoire, et on prend un malin plaisir à le voir s'en prendre plein la gueule...
Le fidèle chien de Frank, acheté dans un stand ambulant tenu par une poule, qui n'a pas tout à fait le comportement d'une poule...
etc....

Et puis je crois que le type a un talent fou lorsqu'il raconte ses histoires en utilisant de la couleur, c'est de toute beauté :

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C'est dommage parce que la suite des aventures de Frank sont bien en dessous des histoires présentent dans ce bouquin, Frank et le Congrès des bêtes qui présente une véritable histoire n'est pas aussi fou que ce soit narrativement ou visuellement, les personnages emblématiques manquent cruellement à l'appel et surtout je trouve qu'avoir raconté une seule et vraie histoire ne sied pas du tout à cet univers, il faut que le tout soit fragmenté...
Fran qui a le même type de narration relève malgré tout le niveau général et contient, sans aucun doute, les plus beau dessin noir et blanc de l'auteur.