Je suis le candidat naturel pour ce genre de lecture : un univers cyberpunk, des cyborgs, un arrière-plan japonais. Et pourtant j'ai attendu 2018 pour découvrir ce monument. Intimidé par l'œuvre et la complexité annoncée du récit, je n'ai jamais osé regarder l'animé ou entamer la lecture du manga. Après avoir fini le premier tome de cette réédition, j'ose donner mon avis.
Comme souvent avec les œuvres considérées comme majeures par les milieux autorisés, j'avais peur d'être déçu. Déjà gâté avec Blade Runner pour le cinéma et Syndicate pour les jeux vidéos, je pensais, qu'au mieux, Ghost in the Shell serait divertissant, au pire ennuyeux. Il faut bien l'avouer maintenant, j'aurais mieux fait de ne pas m'écouter.
Les débuts furent tout de même difficiles. J'ai dû m'y reprendre à deux fois : les premières pages sont d'une complexité sans nom. Une intrigue politico-financière, des faux-semblants, du jargon scientifico-technique... On ajoute à ça les nombreuses notes de l'auteur qui parsèment les pages et qui sont censées éclaircir le contexte mais qui finalement ralentissent le récit (même si un avertissement précise d'éviter la lecture de ces notes lors de la première lecture. Avertissement qui se trouve ... en dernière page du livre.). Ces débuts ardus sont-ils dûs à mon intellect déficient ou à une traduction française laborieuse ? Une chose est sûre, c'est que Masamune s'est fortement documenté afin de créer un univers "cohérent". D'ailleurs pour une œuvre écrite en 1989, certains points, comme l'omniprésence du réseau mondial et l'importance du piratage dans la gestion d'un état, résonnent beaucoup avec la société d'aujourd'hui.
Ensuite, j'ai trouvé très appréciable de lire une histoire typée cyberpunk mais dans un univers présenté comme moins sombre que Blade Runner ou Matrix. Au sens propre, il suffit de comparer la couleur du ciel dans ces œuvres. Au sens figuré, certes les méga-corporations sont présentes tout comme la corruption à grande échelle et même l'exploitation des masses laborieuses dans le chapitre 2 mais Masamune ne semble pas en faire un élément essentiel de son récit. Les robots et les IA sont omni-présents mais ici pas de révolte des machines. Par contre l'auteur nous gratifie d'une réflexion intéressante, empreinte d'un certain mysticisme et probablement assez novatrice en 1989, quant au sens de la vie et de l'essence humaine.
Pour en revenir au scénario, le lecteur suit donc la section 9, sorte de FBI japonais de l'ombre, dans diverses enquêtes. Le récit se focalise sur un des membres de cette unité, la charismatique cyborg Motogo Kusunagi. Piratage, intrigue à tiroirs et camouflage optique sont le quotidien de cette unité d'intervention anti-criminelle. Le tout est vraiment bien mené, avec en fil rouge la traque d'un pirate, le "marionnettiste". On se laisse facilement prendre au jeu. Sans oublier les essentielles scènes d'action avec fusillades, courses-poursuites et explosions.
C'est d'ailleurs sur ce point que je trouve le traitement graphique défaillant. Autant les scènes "fixes" sont très propres et visuellement riches, autant les scènes mouvantes sont confuses et rendent la compréhension du récit difficile à certains moments.
Ayant découvert Ghost in the Shell sur le tard, je n'arrive pas à le ranger dans mes classiques mais je comprends aisément que son contenu ait marqué durablement la SF, en inspirant nombre d’œuvres déjà citées, comme Syndicate et Matrix.