Je n'ai pas dormi depuis que je suis devenu indigne. C'était il y a neuf mois, trois semaines, quatre jours et sept heures. Je n'ai pas dormi de peur de ce que je verrais en fermant les yeux. J'avais raison d'avoir peur.



The Unworthy Thor avait été teasé dès la fin de Secret Wars, ou plus exactement de l'excellent tie-ins consacré aux Thors du Battleworld. Deux Thor pour un marteau, l'un devait restait indigne jusqu'à la mort du second. Deux Thor pour deux marteaux, cela changeait tout et rapidement les lecteurs s’attendaient à retrouver Odinson au sommet de sa forme, le marteau Ultimate à la main. Cette thèse, de plus en plus probable suite à une poignée de la série Migthy Thor sera développée dans une mini-série all-star qui s'est fait attendre en nos contrées, Panini préférant retarder la parution d'une part pour publier le tout en un seul fascicule d'autre part pour faire coïncider la parution avec le film Ragnarok à paraître la semaine prochaine.


Tout d'abord rappelons que le scénariste Aaron est en train d'écrire ce qui constitue l'un des plus longs et des meilleurs runs du personnage. A ce stade d'avancement de son run, débarquer en plein milieu serait se gâcher un certain plaisir tant les éléments nécessaires au récit manqueraient. La saga du massacreur de dieu, la tragédie d'Original Sins, le rôle du Thor Ultimate dans Secret Wars, le statut de la nouvelle Thor. Et derrière Aaron n'oublie évidemment pas qu'il a existé de très grands récits avant lui, comme en témoigne l'intégration de Beta Ray Bill ou de Thori (moins connu, plus récent, mais vu que je suis un fan ultra du run de Gillen sur Journey Into Mystery je l'ai tout de suite reconnu et accueilli avec plaisir dans la trame narrative).
Un commentaire Thori?



Liberté et meurtre pour tous!



Merci bien. Ainsi, au niveau de la continuité, Aaron brosse ainsi le lecteur dans le sens du poil, faisant attention aux détails et autre références, prenant en compte le travail de ses copains que ce soit Hickman et sa réorganisation de l'orbe noire ou Bendis et l'emprisonnement assez inutile de Thanos lors de Civil War II. On pourrait penser qu'il s'agit du minimum dans un univers partagé, néanmoins peu d'auteurs portent ce respect à la continuité et à l'évolution logique des personnages (Lemire par exemple a balayé l'ère Bendis d'un revers de la main sur ses x-men).


Du côté graphique, on retrouve également un artiste qui a un certain passif avec le dieu du tonnerre. Coipel dont j'avais bien aimé la prestation aux côtés de JMS lors de la relance de Thor il y a dix ans, et qui avait su aussi faire des belles pages lorsque que Fraction racontait n'importe quoi au scénario. En l’occurrence Coipel régale, je n'aurais pas d'autres mots, avec un style plus sombre que de coutume, mais qui je trouve met en valeur tous les détails dont il nous gratifie. Les compositions sont poussées, par moment difficiles à suivre, mais fichtre que le mouvement s'y lit bien et les personnages y imposent. Il ne s’occupe pour autant pas de toute la mini-série mais la succession des noms ne doit pas faire peur (la plupart des dessinateurs s'occupant souvent d'un unique flash-back ce qui loin de casser la cohérence, renforce la singularité de ces moments) d'autant que les artistes alignés envoient du rêve. La beauté de ces 5 épisodes constitue l'énorme force du récit, et qui permet de lui pardonner sa simplicité factuelle et l'environnement relativement clos où la majorité de l'histoire se déroule - on ne bouge en effet pas beaucoup une fois Thor capturé.
Attention, je ne dis pas pour autant qu'Aaron livre un récit simpliste. Seulement que l'action réelle se joue essentiellement dans la psyché de Thor, dans son évolution et son introspection. En cela, cette mini me paraît un passage essentiel de son run car elle sonne comme un véritable aboutissement de ce que le scénariste a pu développer sur Odinson. Il y a bien quelques combats imposants avec des gros calibres comme la mêlée générale de la fin mêlant entre autre Black Swan, Proxima ou le collectionneur. Mais qu'importe, ça reste du pop-corn, presque une exigence du cahier des charges par rapport à tout le travail effectué sur le héros. L'aspect de répétition du schéma "briser ses liens, s'évader, percer les lignes jusqu'à toucher le marteau", certes face à des ennemis random, mais je lui trouve tellement plus de sens, de symbolique, de beauté même dans cet acharnement du héros à vouloir retrouver ce qu'il considère comme son bien. L'est-t-il vraiment? Ce marteau orphelin a-t-il plus de raisons de lui revenir qu'au collectionneur ou à Thanos? Peut-être pas, mais cette pensée, cette soif de retrouver sa dignité, va se muer en obsession pour un Thor qui ira jusqu'à sombrer dans un quasi-état de démence face à son ami Beta Ray Bill.



Le marteau. Le marteau arrangera tout. Sans marteau, je suis brisé. Je serai de nouveau complet, quoi qu'il en coûte.



Tout ce qu'Original Sin avait sacrifié au grand spectacle, enlevant son caractère worthy à Thor sans autre explication, tout ce qu'Aaron avait dû taire dans son event télécommandé par Marvel, il le dit ici, il étanche sa soif de reconstruction du héros, lui réécrivant presque une genèse, retraçant son parcours de l'enfance à ce choix décisif : s'emparer d'un nouveau marteau et sortir d'une sombre période en reniant son existence, ou move forward et grandir, s'affranchir du marteau pour mieux en être digne, se retrouver, se recréer à partir de toutes les épreuves qu'il a traversé. Et c'est ainsi que je perçois ces épisodes, comme une renaissance pour le héros, une saga qui tout en partant d'un bouleversement radical du statu-quo parvient à se concentrer en premier lieu sur les fondements du héros, à l'image d'un Born Again bien que la comparaison soit évidemment à prendre avec des pincettes.
L'autre aspect du récit est la caractérisation du marteau ultimate par Aaron. A l'image de Mjolnir devenu pensant et ressentant dans la série Migthy Thor, ce marteau s'impose véritablement comme le second héros de cette mini-série. Un dialogue s'installe entre lui et Thor, un murmure à un moment, un grondement à un autre, le tonnerre rugit en réponse à la douleur de l'autre, et réciproquement. On y voit une sorte de connexion, analogue à ce que la force peut engendrer dans l'univers Star Wars. Indéniablement, le dieu du tonnerre peut brandir ce marteau, il peut non le dompter mais l'accepter, encore faudrait-il q'il l'atteigne et qu'il le souhaite. Et si lui ne peut s'y résoudre, qui le marteau choisira-t-il pour l'arracher à cette état léthargique où l'a plongé la mort de son précédent possesseur. Cette vision d'un marteau animé me manquait cruellement au moment de lire Secret Wars, et les dernières pages du tie-ins d'Aaron prennent alors bien plus de sens.



Le marteau hurle, il hurle comme le tonnerre. Les mêmes mots encore et encore. "Où est mon Thor?"



Enfin Aaron laisse évidemment plusieurs pistes pour la suite de son périple dans l'univers Asgardien mais je ne suis pas forcément le plus grand amateur du teasing perpétuel, et je préfère apprécier et savourer ce qui valait le coup dans cette oeuvre que capitaliser sur les intrigues à venir (le Thor de guerre, le mystérieux personnage pactisant avec Thanos...)

WeaponX
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le 20 oct. 2017

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