En 1999, Alan Moore, le célèbre scénariste britannique, lance la ligne ABC (pour America's Best Comics) une collection qui comprend 5 titres qu'il scénarise lui-même. On y trouve Promethea (une réflexion sur la magie), Tomorrow Stories (une anthologie de différents styles de comics), Top Ten (série policière super-héroïque), The League of Extraordinary Gentlemen (qui reprend les personnages de la littérature fantastique du XIXème siècle) et enfin Tom Strong.
Moore semble être arrivé à un constat : les super-héros ne sont plus ce qu'ils étaient. Autrefois, les héros encapés étaient des êtres flamboyants véhiculant des valeurs positives (et parfois teintées d'une propagande contestable...). Dans leurs aventures, le meurtre y était banni, la société y était présentée sous un jour favorable et tout finissait par la victoire du héros.
Or, depuis les années 1980, dans un mouvement auquel Moore a très largement participé avec l'incroyable Watchmen, tout a changé. L'ère du "grim & gritty" produit des comics de plus en plus sombres, violents et pessimistes. Les super-héros se questionnent, se battent entre eux et s'assassinent même ! Et cela perdure jusque dans les années 1990 (et les répercutions se font encore sentir au moment où j'écris ces lignes). On a perdu de ce "sense of wonder" qui faisait le charme de certains comics.
Dans un volonté de sortir de cet état de fait, Moore lance donc Tom Strong.
C'est un héros très inspiré de Doc Savage et des vieux pulps. Une figure positive qui règle les conflits avec son cerveau et son humanité plutôt qu'avec ses poings (même s'il est parfaitement capable de s'en servir à l'occasion).
Le premier épisode est une superbe mise en abyme où un jeune garçon lit l'origine de Tom en même temps que nous (je n'en dirais pas plus pour laisser la découverte). Dans les deux épisodes suivants, le héros déjoue des invasions extraterrestres. Dans le quatrième épisode, enfin, Tom Strong retrouve une vieille connaissance nazie... Alan Moore prend soin de créer un historique à son personnage en utilisant de nombreux flashbacks (et celui de l'épisode 4 est dessiné par le très talentueux Arthur Adams) mais également en évoquant des aventures qui nous sont inconnues. Il donne ainsi au lecteur l'impression que le personnage n'est pas nouveau mais bien le fruit d'une longue lignée d'histoires et d'aventures.
Du côté des dessins, nous sommes gâtés. En dehors d'Arthur Adams qui dessine quelques pages, l'ensemble des épisodes de ce volume sont dessinés par Chris Sprouse. L'artiste, qui avait déjà travaillé avec Moore sur Supreme (un ersatz de Superman), utilise une ligne claire qui n'est pas sens rappeler la BD franco-belge (il me semble même que Sprouse revendique une forte influence d'Hergé). L'action est donc très lisible et la lecture très agréable.
Bref, si vous cherchez un héros qui n'est pas dépressif, qui ne tue personne, qui résout les problèmes de manière intelligente, et le tout dessiné avec talent, Tom Strong est fait pour vous !