Le sujet du livre nous soumet un problème épineux : celui de l’abandon de l’état (français en l’occurrence) de ses « recrutés locaux » dans des zones « à risques » voire en guerre.
Dans cet album, il est question précisément des traducteurs afghans, mais on peut étendre et généraliser cet état de fait à bien des pays à travers le globe ; c’est un vrai problème mondial et non plus uniquement français.
Dans chaque pays, des « autochtones » font le choix (ou pas) d’aider les forces armées censées venir les « libérer » ou du moins éradiquer un problème existant. Le souci c’est que lorsque qu’un désengagement est amorcé, les « collaborateurs » de l’armée se retrouvent sans protection, dans leur pays où ils sont alors considérés comme des « traitres ». Et pas seulement des traducteurs mais aussi des chauffeurs, des manutentionnaires, des cuisiniers, des agents d’entretien etc…
A titre informatif et pour donner un autre exemple, il faut dire que les « tutsis » employés dans les Ambassades de différents pays en ont fait les frais directs en se faisant massacrer par les Hutus devant les portes (dont l’armée avait refusé l’ouverture) desdites ambassades…
On voit que le problème n’est donc pas nouveau… le livre fait aussi mention des « harkis » d’Algérie et des « hmong » du Vietnam… L’Histoire a la mauvaise idée de se répéter… Et rien n’est jamais « pensé » pour l’ « après » ; égoïsme, individualisme, j’men-foutisme ?
La BD est aussi noire qu’en est le sujet. Les dessins illustrent parfaitement les propos. Je pense qu’ils sensibilisent bien les lecteurs à la problématique de ces « laissés pour compte », soulignant la précarité de leur situation, les dilemmes auxquels ils sont exposés et enfin le danger qui pèsent sur eux dès que leurs « employeurs » temporaires ont plié bagages…
Ici, il ne s’agit pas d’une BD philosophique où l’on pèserait le pour et le contre, le bien ou le mal, mais d’une sorte de reportage de guerre établissant des constats. Très réussi, on comprend parfaitement la situation.
A mon sens, cet album a quand même un peu « édulcoré » la partie de celui qui opte pour la migration et son long périple pour arriver à bon port… La réalité est bien plus épouvantable encore. Mais c’est vrai que tel n’était pas le centre du sujet…
Un beau témoignage, donc, des difficultés rencontrées par les réfugiés (ou ceux qui pourraient y prétendre), une bande dessinée pour adultes ou young-adults il me semble.
Un grand merci aux éditions « La boite à bulles » et à la Masse Critique de Babelio de m’avoir fait confiance pour cette lecture très instructive et réaliste.