Est-il possible d'adapter Lovecraft ?
Adapter Lovecraft en film ou en BD est toujours délicat. En effet, chez le grand écrivain américain, l'horreur dépasse les mots et se passe de description. Les mots "indicible", "indescriptible" reviennent souvent. Et le sentiment d'épouvante vient, justement, de cette absence de description (entre autres). Alors, adapter cela dans un médium visuel pose de gros problèmes.
Et les auteurs de cette BD sont tombés dedans à pieds joints.
Cette BD reprend donc une nouvelle de Lovecraft intitulée Le Temple. L'action se déroule en 1917, dans un sous-marin allemand. Le commandant et son second sont deux officiers d'une grande cruauté. Un jour, ils retrouvent sur leur navire le cadavre d'un homme qui possédait une petite statuette. Ils rejettent le cadavre à l'eau mais le second garde le vestige antique. Mais la paranoïa va s'insinuer dans l'équipage, disant que le navire est désormais maudit par la présence de la statuette, tandis que le sous-marin est entraîné par d'étranges courants marins.
Montrer cette statuette, c'est déjà briser son influence. Comme peut-on croire que ce simple petit visage, qui ressemble à de l'art grec, pourrait entraîner tout un équipage à sa perte ? Montrer l'horreur, c'est déjà lui retirer son caractère horrible. Afficher le mystère de façon aussi ostensible, c'est briser ce mystère. A partir de là, c'était déjà perdu pour l'angoisse toute lovecraftienne du texte.
D'autant plus que les dessins sont d'une froideur qui interdit toute implication du lecteur dans l'histoire. On ne s'assimile jamais aux personnages. On enchaîne les pages sans jamais vraiment frémir pour eux.
A part cela, le rythme est très rapide et les auteurs ont pu garder un des aspects importants du texte, une critique brutale de la barbarie guerrière. Enfin, l'album se termine par quelques pages où les auteurs expliquent l'univers de Lovecraft, ses influences et son importance. Ces pages-là (presque un cours de littérature mais en aucun cas une BD) sont les meilleures du livre. Et ne suffisent pas à sauver l'ensemble.