Miracleman est l'une des premières BD de Moore et l'une des dernières à nous parvenir à cause de fastidieux problèmes de droits d'auteur, des problèmes tellement fastidieux que le nom de Moore n'apparaît même pas dans le livre où il se fait appeler le "scénariste originel"...Bref, pour être honnête, j'ai été vraiment très très très content de pouvoir enfin lire les débuts de l'un de mes auteurs préférés, y repérer des erreurs de jeunesse qu'il corrigera par la suite ou des germes d'idées géniales qu'il reprendra et développera plus tard.
Miracleman commence par un épisode vintage racontant une histoire typique de l'âge d'or des comics : une histoire auto conclusive, simpliste, sans intérêt autre que nous présenter le background du personnage. On apprend ainsi que Miracleman est un journaliste lambda qui peut se transformer en super héros en prononçant un mot magique, il est accompagné dans ses aventures par 2 sidekicks : l'ado young miracleman et l'enfant kid miracleman. Voilà, c'est tout ce qu'il faut savoir pour lire la suite. L'histoire proprement dite commence en 1983 (époque contemporaine au moment de la publication) où un journaliste marié, stressé par ses soucis financiers a des migraines causées par des rêves mystérieux. Au cours d'un enchaînement de circonstances il prononce son mot magique et se transforme, Miracleman est de retour!
Le plus grand talent de Moore est pour moi l'empathie qu'il arrive créer avec ses personnages et cela fonctionne déjà dans son début de carrière : je ressentais les migraines de Morgan, le côté surhumain et merveilleux de Miracleman et l'antagoniste de ce tome m'a terrifié. Toutefois pour réussir à créer cette empathie, Moore abuse de "récitatifs" où il nous explique l'action et ce que l'on doit ressentir. Comme je l'ai dit ça marche mais c'est usant à la longue et je suis content qu'il ait arrêté cela dans ses œuvres ultérieures.
L'autre talent de Moore est de réussir à créer un "background" crédible à ses histoires. Reprendre un personnage des années 50 et l'intégrer de manière cohérente à l'époque contemporaine du récit est une réussite sur 3 points :
- l'intrigue de Moore ne contredit pas le passé et peut s'y appuyer pour développer tel ou tel point.
- la réadaptation crée de nouvelles pistes pour l'histoire totalement différentes.
- cela apporte un côté "meta" à l'histoire et montre l'évolution des histories de comics.
Cette technique de réappropriation d'une œuvre pour en faire quelque chose de radicalement nouveau deviendra par la suite une marque de fabrique de Moore avec par exemple Swamp Thing, Supreme, Wild Cats, Watchmen (qui au début devait être une reprise de vieille série), La ligue des gentlemen extraordinaires... cela est sans doute dû au fait que Moore a été édité en Amérique et que là bas, les BD ne sont pas des œuvres par elles-même mais des franchises adaptables et déclinables à l'infini...
Au niveau des aspects négatifs, outre l'abus de "récitatifs", je trouve que les touches d'humour intégrées à l'histoire par des bris de quatrième mur sont malheureux et sortent de l'ambiance. Miracleman fonctionne bien mieux lorsqu'il est au premier degré.
Un mot enfin sur les dessins. Ils sont magnifiques et incroyablement modernes. Je pense qu'ils ont été recolorisés pour l'occasion mais le travail initial est fantastique et aide grandement à se plonger dans l'intrigue.
Pour conclure : à la fin de ce premier tome, Miracleman s'est réapproprié sa légende, a vaincu son premier ennemi et doit assumer les impacts de son retour sur sa vie familiale. La série peut explorer le passé de son personnage éponyme pour se développer ou suivre les nouvelles pistes lancées par Moore ; le ton est devenu plus mature, les enjeux à la fois plus intimes et globaux.
Bref, tout est prêt pour que la suite soit palpitante, ce qui est au final tout ce qu'on attend pour un premier tome.