Plus que le titre provocateur, c’est le dessin tout en lavis de Cécile Guillard qui m’a attiré dans cette BD. J’ai ensuite tiqué sur le nom du scénariste, François Bégaudeau, un écrivain qui s’essaye à la bande-dessinée et qui ne m’avait pas convaincu auparavant dans cet exercice. Le livre est un pavé de 200 pages publié chez Marabulles.
Guylaine est moche. D’ailleurs, son nom rime avec vilaine. De sa mocheté va découler tout son malheur. C’est la cause unique d’ailleurs de tous ses déboires et en cela c’est déjà toute la limite de l’ouvrage. Toute sa vie n’est vue que sous le prisme de son physique. « Une vie de moche » devient une thèse sur « pourquoi la vie est difficile quand une femme est laide. »
Le propos de cet ouvrage m’énerve au plus haut point. Comme dans « La délicatesse », il y aurait l’idée que quelqu’un de disgracieux n’aurait pas le droit au bonheur. Et sous prétexte d’aller à l’encontre de cette pensée, ces auteurs ne cessent de le marteler d’autant plus. Car ici, on ne parle pas de bonheur, mais d’amour. Et Bégaudeau va peiner à relever le niveau en accumulant des poncifs dignes d’adolescents : la fille moche doit compenser en étant drôle, elle devient toujours la bonne copine, la fille avec qui on finit en fin de soirée quand il n’y a plus d’autres nanas… Bref, un apport quasiment nul à cette réflexion, souvent excessif et sans aucune nuance. Et tout le livre est ainsi, porté par une voix off littéraire que doit suivre le dessin.
Après 200 pages avec Guylaine, on a relativement peu développé d’empathie pour elle. Très passive, elle accepte sa mocheté comme une malédiction et cela devient un prétexte à ne rien faire. Elle subit quasiment tout le temps. À côté d’elle, les personnages secondaires sont anecdotiques, quasiment inexistants, fantomatiques. La réflexion, d’un niveau bien bas, prime sur la construction de personnages et d’une intrigue. Car il n’y a pas d’intrigue ici, on ne fait que suivre la vie de Guylaine à travers des éléments fondateurs de son existence.
Le dessin de Cécile Guillard est agréable. Construit sur des lavis, il possède un beau dynamisme. Son travail n’est pas évident, étant donné qu’elle doit souvent illustrer le texte. Son travail sur l’ouvrage m’a donné envie de continuer à la suivre, elle qui produit ici sa première bande dessinée.
« Une vie de moche » est assez affligeant dans le thème choisi et son traitement. Porté par des réflexions que n’importe qui pourrait faire, sans grandes surprises et doté de 100 premières pages d’une grande banalité, la lecture se révèle longue, voire pénible devant le peu d’empathie que l’on pourra ressentir pour le personnage. Reste le dessin, intéressant, qui relève le niveau de l’ouvrage. Mais pas de quoi le sauver.