Quel monde étrange que le microbiote... Saviez-vous que notre tube digestif comporte des neurones directement reliés à notre cerveau ? Que du coup la boule au ventre est souvent la conséquence d’un stress venu du cerveau ? Que le fait d’émettre des flatulences est bon pour la santé (il faudra juste s’inquiéter si les odeurs évoquent le rat crevé) ? Comme nous le montre cet ouvrage, le microbiote intestinal, « organe invisible à l’œil nu » et « porteur de grands espoirs pour la recherche médicale », est encore loin d’avoir livré tous ses immenses secrets…
Pour ce titre faisant référence à un célèbre livre de Jules Verne, les auteurs FäSt (dont on sait seulement qu’il s’agit d’un « duo de scénaristes résidant à Rouen ») et Héloïse Chochoix (qui en peu de temps a publié plusieurs ouvrages, dont ce troisième chez Delcourt confirmant son goût pour la science et la médecine) ont choisi de reprendre les codes du roman d’aventure pour traiter d’un sujet qui nous concerne tous : le microbiote intestinal. Ce microbiote (car il y en a partout dans le corps humain), c’est l’ensemble des bactéries, microbes et virus qui nichent dans cette zone encore peu connue qu’est notre tube digestif, mais qui fait l’objet de recherches de plus en plus poussées et, si nous le négligeons en ingérant sans modération de la « malbouffe », peut ouvrir la voie à des maladies métaboliques pas franchement sexy (diabète, obésité, maladies cardiovasculaires…). Le microbiote intestinal, c’est ce que certains vulgarisateurs appellent le « deuxième cerveau » du fait qu’il héberge des neurones, une découverte relativement récente. Les recherches en cours seraient des plus prometteuses pour comprendre et soigner l’organisme humain.
C’est une lecture très agréable à lire, les auteurs ont réussi à concilier plutôt bien le roman d’aventure et le documentaire scientifique. Le lieu de l’action se situe sur une île volcanique imaginaire, Microbiota, avec deux personnages antagonistes : Alice Sentina, une jeune femme journaliste soucieuse d’écologie et un jeune entrepreneur aux dents longues, Jeff Huxley (clin d’œil bien choisi au célèbre écrivain…) qui a implanté ses labos sur la petite île paradisiaque. Son but : concevoir le remède miracle, un probiotique révolutionnaire « au service de l’humanité ». Lorsque le volcan entrera en éruption de manière inopinée, ils vont vivre une aventure pleine de rebondissements et de rencontres qui finiront par remettre en question les certitudes de Huxley. Certes, ce récit dans la veine vernienne ne fait, très logiquement, que servir le propos, mais on ne peut que saluer l’effort des auteurs d’avoir rendu ainsi le sujet très ludique.
La ligne claire moderne et stylisée d’Héloïse Chochois est agréable à l’œil et symbolise parfaitement le propos en rendant intelligibles des notions pas forcément accessibles au citoyen lambda, nous permettant de visualiser l’infiniment petit et toute la vie qui bouillonne au sein même de notre organisme. Plutôt dynamique, son style est une sorte de mix entre Serge Clerc et Dupuy & Berberian, voire dans un registre plus récent, Lucas Harari.
Sans être forcément féru de sciences, nous prenons conscience avec « Voyage au centre du microbiote » que notre organisme est à la fois un monde à part, un véritable univers à lui seul, mais qui dépend entièrement de nos pratiques alimentaires. Si l’on est déjà sensibilisé aux problèmes qui menacent la survie de notre planète, on sera incités à prendre soin de notre ventre en diversifiant nos aliments dans la mesure du possible. La nature aime la diversité, tant à l’échelle planétaire qu’à celle de notre pauvre carcasse. Tout est connecté, l’infiniment grand et l’infiniment petit. Et cette diversité, comme on peut le constater à l’aune de la crise climatique, a été négligée depuis des décennies dans bien des domaines, pas besoin de refaire l’inventaire. Juste deux exemples : en agriculture, on a pendant longtemps privilégié la monoculture intensive dont on mesure aujourd’hui les dégâts, et en politique, le « concept » constitue encore une menace pour nombre de politiques qui ne font que l’utiliser pour séduire un électorat apeuré. Et pourtant... Ainsi, ce que l’on retiendra du livre est l’importance de la BIODIVERSITE, qui « n’est pas un bonus mais la seule et impérative condition de notre maintien sur Terre », et devrait être aujourd’hui le maitre-mot à appliquer dans toutes nos actions du quotidien, à tous les niveaux. La révolution des esprits pour envisager un avenir viable pourrait sans doute commencer par là…
Gage de crédibilité, cette petite bande dessinée très instructive qui ne vous mettra certainement pas la rate au court-bouillon, bien au contraire, a reçu le soutien de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) de Nantes.