La réédition des œuvres du grand maître de l'horreur, Junji Itô, continue son bout de chemin chez Mangetsu. Après ses Chefs d'œuvres, son Tomié ou bien son Sensor, place aux derniers écrits du maître, paru au Japon entre 2020 et 2021 ! Bienvenue dans un univers proche du nôtre où le quotidien dévoile toutes ses horreurs, où les larmes d'une pleureuse coulent à flots, où la foi religieuse mène à la destruction et où certaines forêts voient passer un bien étrange cortège la nuit...
Bienvenue dans la Zone Fantôme.
Toujours proposé dans un sublime écrin en couverture rigide, nous quittons le vert et le bleu pâle des Chefs d'œuvres pour lorgner vers un somptueux pantone violet, avec pour illustration une synthèse des quatre récits contenus dans le recueil.
Ne prenez pas peur en vous disant " Seulement quatre nouvelles ?", puisque ce sont ici davantage des longs récits que les courtes nouvelles auxquelles nous avait habitué ito.
En cause, le fait qu'il écrive désormais (au Japon) dans l'application manga LINE, troquant les contraintes éditoriales des magazines papiers (à savoir, une limitation du nombre de pages) pour une totale liberté de taille. Ainsi, ses quatre histoires prennent davantage de temps pour développer leurs intrigues respectives, offrant au passage une ambiance horrifique plus étoffée ainsi que des fins moins abruptes.
LE COTEAU AUX PLEUREUSES :
A la suite d'un voyage improvisé dans un coteau, un jeune couple assiste à un enterrement et rencontre une pleureuse, des femmes payées pour pleurer lors des processions funéraires. Mais à leur retour, la jeune femme se met à pleurer. Abondamment, sans s'arrêter à un seul instant, au point de tremper le lit... La source de cette malédiction pourrait bien se trouver dans ce mystérieux coteau, le coteau des Pleureuses. Une nouvelle dont le concept est d'un naturel terrifiant : les larmes, et ce qui arriverait si l'on poussait les voies lacrymales dans leur derniers retranchements... A la fois sordide et spirituelle, cette nouvelle est l'occasion pour Itô de traiter en profondeur la douleur fondamentale au travers des pleurs !
MAUDITE MADONE :
L'institut religieux de la Sainte Foi est régit par une femme impitoyable, dont le visage haineux donne des frissons à chaque jeune fille qui s'en approche. Croyant être l'incarnation de la Madone, elle délivre d'une main de fer une sentence punitive via ses pouvoirs surnaturels. Mais est-elle vraiment LA Madone ? C'est ce que va chercher à comprendre la jeune Maria afin de découvrir quel secret se cache derrière un tel pouvoir...
Une nouvelle dont la parabole religieuse n'alourdit en rien le propos, avec notamment un final saisissant qui saura marquer les néophytes de Junji Itô.
LA FORET DE HAOKIGARA :
La plus tristement célèbre des forêts de tout le Japon est ici le théâtre d'un évènement surnaturel arrivant seulement la nuit : un cortège d'âmes, se déversant telle une marée macabre dans les ténèbres, et dont l'origine semble être une grotte à la forme étrange...Alors qu'un jeune homme, accompagné par sa petite-amie, désire mettre fin à ses jours, il se rend compte que ce cortège possède des facultés curatives exceptionnelles... Mais à quel prix ?
Une nouvelle anxiogène prenant place dans la fameuse forêt des suicides, où la dimension fantastique s'intègre très tôt dans le récit, avec une efficacité exceptionnelle ! La transformation de nos protagonistes laissent envisager le pire pour eux, et la conclusion est, une nouvelle fois, extrêmement bien amenée.
LETHARGIE :
Un jeune homme ne sait plus qui il est. Certaines nuit, il sent que son corps échappe à son contrôle, au point d'effectuer de sordides meurtres et ce, sans qu'il lui soit capable de s'en rappeler précisément... Qui est donc ce tueur sévissant dans les rues ? Lui, ou un autre ?
Si ce n'est pas la nouvelle la plus percutante du recueil, prenant ses sources dans le cinéma d'horreur, Léthargie a pour elle d'avoir un propos intriguant sur le sommeil, sujet que le maître abordait notamment dans ses Chefs d'œuvres T1 !