Percutant
Bien rythmé, belle narration, bravo. C’est un court-métrage qui devrait être diffusé un maximum tant son message est important. Merci à toutes ces femmes.
le 15 nov. 2020
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Ah ! Je l'attendais celui-ci, j'étais sûr qu'on y aurait le droit au vu de la thématique. La fameuse légende des inégalités salariales. Je suis toujours surpris que le débat soit encore d'actualité en 2020, apparemment, plus le temps passe et plus l'Homme est bête et ignorant. Mais avant d'anéantir le fond du propos qui ne tient réellement que par un fil dont les fibres s'étiolent inexorablement, faisons le point rapidement sur la forme du court-métrage.
La technique est très limitée et faiblarde. L'image est certes propre et lumineuse mais malheureusement ne montre pas grand chose. Les iPhone offrent une belle image, mais posséder un iPhone ne donne a priori aucune compétence en réalisation. Le choix des cadres est désastreux, il n'y a que des inserts sur des objets ou des mains en action et des plans mal cadrés sur des femmes dont on ne voit jamais vraiment le visage puisque c'est tourné en trois quarts dos ; il semblerait que personne n'ait écouté les conseils de Johnny Cadillac : pour envoyer un « Uraken » correct, c'est dans l'autre sens qu'il faut se tourner. Bref. Et puis, outre le découpage catastrophique, qu'est-ce que c'est que ces choix de prise de vue ? Déjà que c'est mal cadré, mais en plus tous les plans sont tournés en plongée avec caméra par dessus l'épaule ou bien en caméra fixe à 50 centimètres du sol.
Où est la logique ? Où est la cohérence ? En moins d'une minute, on a le droit à tout et n'importe quoi en termes de prises de vue mais sans que cela soit justifié. De plus, le métrage se contente d'aligner des plans fixes les uns à la suite des autres avec un montage qui tente tant bien que mal de donner une ligne directrice à tout cela. Il n'y a aucun dialogue, aucune réplique, les comédiens ne sont que des figurants. Il n'y a pas la moindre prise de risque à ce niveau-là, c'est creux. On a juste le droit au petit message moralisateur écrit blanc sur noir à la fin, comme le font si bien toutes bonnes vidéos de propagande ou bien les clips de prévention routière. Je n'ai pas l'impression de regarder un court-métrage de cinéma, plutôt un spot de publicité sponsorisé.
Il y a deux autres détails qui m'ont fait sourire. Premièrement, la meuf assise sur une chaise qui donne une boîte de mouchoirs à un gars, la seule qui est filmée de face. Qu'est-ce qu'elle fait ? C'est quoi comme profession ça ? Je ne sais pas. Et puis le coup de la meuf sur le chantier pour nous persuader que les femmes sont largement implantées dans absolument tous les secteurs d'activité, même les plus dégradants, dangereux et difficiles... mais bien sûr. Enfiler un casque et un gilet jaune n'est pas suffisant pour que l'on croit que cette demoiselle travaille dans le BTP. Surtout quand on porte un sweatshirt gris en-dessous et que c'est filmé en plan poitrine très mal cadré - plan poitrine trois quarts dos, n'oubliez-pas - pour ne pas que l'on voit son jeans slim fit et sa paire de Stan Smith... Désolé, ça ne prend pas.
Il n'y a rien à ajouter sur la forme qui est miséreuse. Attaquons le gros du problème : le fond. Nous sommes bientôt en 2021 et l'Occident ne semble toujours pas maîtriser les codes du raisonnement logique et l'analyse des statistiques, chose que l'on apprend au lycée... mais bon. Tout vient d'une étude de l'INSEE faite en 2017 qui a relancé ce débat stérile et profondément abrutissant. Quel est donc le problème de cette étude ? Eh bien l'INSEE a décidé que ce serait pertinent de faire la moyenne du salaire annuel de tous les hommes français, puis la moyenne du salaire annuel de toutes les femmes françaises, et de comparer ces deux moyennes. Ni plus, ni moins. Cela signifie que l'on prend le salaire annuel de tous les PDG du CAC40, celui de Xavier le boulanger du village, celui de Jean-Karim-la-bicrave-on-vit-très-bien-sans-la-sécu, celui de Jean-Jordan RSA et celui de Didier-L'enclume qui torpille son allocation d'arrêt de travail en Pastaga dès 8h du matin ; on additionne, on divise, et hop ! Ça fait des Chocapic ! Voilà combien touchent, en moyenne, tous les hommes. C'est pas magnifique, non ? On fait la même chose pour les femmes et après on observe l'écart entre les deux. C'est profondément stupide et pas du tout précis comme raisonnement, n'est-ce pas ?
Il ne fait aucun doute que ce genre de méthodes ne permet à aucun moment d'obtenir un résultat qui soit un minimum représentatif de la réalité. Avec des statistiques aussi généralistes et imprécises, il suffirait que Bernard Arnault et François Pinault deviennent transgenres pour littéralement inverser la tendance, ou comment avec des nombres démesurés seulement deux individus sur 68 millions de français peuvent niquer une moyenne. D'ailleurs, les vrais scientifiques n'utilisent presque jamais de moyennes, ils préfèreront les médianes, quartiles et autres déciles qui sont bien plus précis. Alors, quand on veut être un minimum pertinent et sérieux, avant d'appréhender une étude aussi bonne ou mauvaise soit-elle, la première chose que l'on fait c'est lire le paragraphe « limites de l'étude » qui, vous l'aurez compris, définit quelles sont les limites techniques de ladite étude et indiquant le recul à prendre sur les résultats obtenus. Et parfois, c'est le cas en l’occurrence, l'étude est tellement limitée qu'il vaut mieux la jeter directement aux oubliettes. Mais bon, les adeptes du biais de confirmation occultent systématiquement ce fameux paragraphe qui discrédite immédiatement leur argumentaire biaisé.
Ensuite, chose étonnante également, mais personne ne semble s'être posé la question suivante : dans notre société capitaliste où l'argent prime sur absolument tout et où les entreprises sont prêtes à délocaliser en Asie du Sud-est ou en Afrique pour économiser sur les matières premières et les salaires, s'il était possible pour ces mêmes entreprises de réduire leur masse salariale de 20, 25 ou 30% - on entend parler de plein de chiffres différents tous sortis de nulle part -, croyez-vous vraiment qu'elles ne se seraient pas empressées d'embaucher uniquement des femmes ? En tout cas, moi je le ferais. Si j'étais chef d'entreprise et que, comme par miracle, je pouvais réduire ma masse salariale - quand on sait ce que ça coûte avec les charges patronales - ne serait-ce que de 10% tout en ayant les mêmes résultats et le même travail fourni, je le ferais, je n'embaucherais que des femmes. Sauf que c'est une illusion, bien entendu, sinon toutes les entreprises l'aurait fait depuis longtemps et tous les hommes seraient au chômage.
Beaucoup de gens disent qu'ils ne sont pas capables d'expliquer cet écart entre ces vulgaires moyennes réunissant tout individu sans distinction aucune par des raisons techniques justifiées et que, par conséquent, il s'agit de discrimination pure et simple. Eh bien, moi, de ma position si humble, je vais vous le dire. Voici la liste non exhaustive des facteurs difficilement mesurables dans une étude sérieuse qui permettent de fixer le montant d'un salaire :
Et la liste n'est pas terminée.
Tant de facteurs qui font qu'il n'existe jamais deux profils identiques. Cela n'existe pas. L'histoire du « salaire égal pour un travail égal et des qualifications égales » n'existe pas. Ce n'est que pure affabulation. Deux travaux ne sont jamais égaux car jamais deux personnes possèdent la même implication au travail, la même minutie, la même méthode et les mêmes résultats pour une mission donnée. Deux personnes n'ont jamais les mêmes compétences. J'ai travaillé dans différents secteurs de l'industrie vitivinicole et je n'ai jamais croisé deux individus avec le même profil et les mêmes compétences. Si je prends l'exemple d'un travail dans un caveau de vente chez un caviste ou dans une cave : certains auront un meilleur relationnel avec les clients, d'autres parleront plusieurs langues et proposeront des activités pour les touristes étrangers, d'autres ont davantage de connaissance en dégustation, d'autres encore sont de piètres dégustateurs mais connaissent le travail de la vigne comme personne et d'autres sauront vous raconter l'histoire du vin sur deux mille ans... Pourtant, tous font le même métier, mais tous sont différents, tous ont leurs faiblesses et leurs atouts, et donc, tous sont payés différemment.
Travaux égaux, ça n’existe pas. Compétences égales, ça n'existe pas. Le postulat de base est erroné et biaisé jusqu'à la moelle. C'est un discours vermoulu, rongé par les biais cognitifs. Et puis bordel, on est encore hors-sujet. Où est ce fameux « women's empowerment » ? Je ne le vois pas. On ne répond pas à la thématique de ce festival sur la prise de pouvoir des femmes dans la société. Je ne vois pas cette prise de pouvoir. Je ne vois que des plaintes et des supplications, je ne vois que des victimes pleurnichant, sans parler de la technique cinématographique inexistante qui se contente des poncifs éculés de la panoplie du réalisateur du dimanche. On a affaires à un film de propagande au propos niais, naïf et moralisateur qui n'a rien à raconter et n'offre aucune performance technique de cinéma. C'est terriblement triste.
Et enfin, dernier problème avec le discours. Promis, je m'arrête après. On nous dit qu'à partir de 15h24, à cause des soi-disant 20 ou 25 ou 30 ou 98% d'écart de salaire soi-disant inexplicables - que je viens d'expliquer au-dessus -, les femmes (en moyenne, hein) ne seraient plus rémunérées vis-à-vis de leurs homologues masculins qui, eux, le seraient. Bon, sans même tenir compte du fait que cette soi-disant inégalité discriminante soit réelle ou pas, de quel type de professionnels on parle ici ? Parce-qu'on imagine avec cette histoire de 15h24 que les femmes sont censées travailler jusqu'à 17h00, c'est ça ? Mais dans quel monde vivez-vous ? Pensez-vous vraiment que l’entièreté des gens sur Terre travaille de 9 à 17h avec 2h de pause déjeuner ? Qui est représenté dans ce court-métrage, l'humanité dans son ensemble ou bien les employés de la fonction publique ?
Qu'en est-il des artisans, des chefs d'entreprises, des ingénieurs, des commerçants, des agriculteurs, des éleveurs, des employés de l'hôtellerie-restauration, des ouvriers, des pompiers, des agents de police ? Vous pensez vraiment que ces gens s'arrêtent de travailler à 17h? Donc, quel est le message de ce métrage ? À qui s'adresse-t-il ? Étant dans l'agriculture, je peux vous dire qu'on travaille aussi longtemps que le jour nous le permet, si en été la nuit tombe à 22h on travaille de 6 à 21h si besoin, sans prendre de week-end, sans jour férié et sans vacances. On peut travailler 40 à 80 heures par semaine, 50 semaines par an et perdre toute une récolte en un quart d'heure durant un orage de grêle, et après on doit vivre une année entière sans avoir rien gagné malgré le labeur acharné, sans aucune aide de l'État ou de personne d'autre. Vous entendez les agriculteurs se plaindre ? Sont-ils médiatisés ? Sont-ils écoutés, mis en avant ? La réponse est « non ».
En visionnant « 15:24 », j'ai simplement l'impression de voir l'exposé vidéo d'un étudiant en Licence 1 de sociologie qui n'a pas la moindre connaissance du monde du travail car jamais de sa vie il n'y a mis les pieds si on ne tient pas compte du stage d'une semaine que l'on fait en 3ème. Ce court-métrage transpire l'amateurisme et la désinformation. L'absence de maîtrise est totale, que l'on parle de la maîtrise technique des procédés cinématographiques ou bien la maîtrise du sujet évoqué. On sent bien qu'aucun travail de documentation n'a été fait. Ce qui est très dommageable. Rédhibitoire pour un métrage d'une minute qui a pour seul intérêt d'essayer de transmettre quelque chose de concis mais de puissant, faute d'avoir le temps de raconter une histoire ou de jouer avec les effets de style. Godard y arrive parfaitement en deux minutes. Ici, on se contente de parler de ce qu'on ne connaît pas et d'illustrer son propos avec les stéréotypes les plus accessibles d'une idéologie incomprise que l'on vient récupérer. On est hors-sujet et la démarche artistique est aussi inexistante que malhonnête. Non, ça ne passe pas.
Créée
le 30 nov. 2020
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Bien rythmé, belle narration, bravo. C’est un court-métrage qui devrait être diffusé un maximum tant son message est important. Merci à toutes ces femmes.
le 15 nov. 2020
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Haha, quand tu vois la finalité, ça prête à sourire. Bon, il me semble que déjà le sujet est délicat étant donné que la plupart des chiffres qu'on avance habituellement ne seraient pas entièrement...
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le 21 nov. 2020
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Pas beaucoup à écrire sur 15h24. Le bon point : le court métrage est convaincant, percutant. Avec 2 parties distinctes : le cadre vu de 4/5 personnes puis la bascule (pour les mêmes). Ce qui n'en...
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