Se défaire du passé et tenter de réaliser ses rêves sous le soleil de Los Angeles, Sarah ne pouvait rêver mieux pour commencer une nouvelle vie ! À la recherche d'un logement, elle parvient à trouver un appartement dans une résidence où les habitants forment une communauté soudée et bienveillante à l'égard des leurs. Cependant, dès la première nuit de son emménagement, des bruits étranges troublent le sommeil de la jeune femme...
Mystérieuse présence ? Fragilité psychologique ? Voisinage menaçant ? Tout ça à la fois ? Pendant la bonne demi-heure que dure son exposition, "1BR" tente de maintenir le brouillard sur ce qui va réellement constituer un danger pour la nouvelle résidente, toutefois, même s'il essaie pour cela de rester à la lisière de plusieurs registres, la piste à privilégier va assez rapidement sauter aux yeux.
Ce sera d'ailleurs le principal défaut de ce premier long-métrage écrit et réalisé par David Marmor : "1BR" n'est en effet jamais aussi unique ou imprévisible qu'il le désirait en s'inscrivant dans une mouvance de films de genre à portée sociétale dont les ressorts sont désormais -et de fait- de plus en plus connus. Ainsi, vis-à-vis de la progression globale de son héroïne au cœur des événements, on ne peut pas dire que "1BR" fera déferler un tsunami de surprises par son déroulement scénaristique, notamment lors de son final qui attisera encore un peu plus ses aspects attendus et impersonnels dont il n'aura jamais su se défaire (impossible de ne pas penser à un certain film de Karyn Kusama durant les tout derniers instants, la palette de couleurs utilisée est la même de surcroît). En cela, "1BR" ne pourra avoir la prétention d'échapper à un statut de film autre que mineur... malgré l'incontestable intelligence dont fait preuve David Marmor pour traiter pleinement son sujet.
Attention, à partir de ce moment, révélations sur des événements-clé de l'intrigue
C'est effectivement là que "1BR" est le plus fort, par la manière dont son auteur s'empare avec brio de la thématique de l'endoctrinement sectaire, la fait surgir dans un contexte surprenant de banalité et en fait ressortir des questionnements pertinents sur la place de l'individu dans la société.
Ici, pas de secte satanique, de rites étranges ou de membres dégénérés isolés en campagne dans le but de créer une ambiance facilement malsaine, seulement un groupe de gens à la normalité confondante, repliés sur eux-mêmes au sein du cadre le plus ordinaire qu'il soit, et dont l'objectif est de faire survivre l'esprit de communauté par opposition à une société qu'ils jugent égoïste. Dans l'autarcie de cette résidence urbaine lambda où la seule ouverture sur l'extérieur est contrôlée par ses habitants, la peur de monsieur et madame Tout-le-monde face à un monde qu'ils ne comprennent plus s'est cristallisée en une sorte de système totalitaire où l'individu n'a plus d'autre choix que de se déposséder de sa personnalité pour se livrer tout entier à la cause du groupe.
Bien plus efficace que les artifices surnaturels/horrifiques habituels, cette simple idée d'une aberration sociétale ancrée dans le quotidien va véhiculer d'elle-même une tension inquiétante nourrie peu à peu par David Marmor comme pour combler l'appétit grandissant du monstre qu'il met à jour. L'accueil chaleureux de Sarah par les résidents, les petites erreurs égoïstes susceptibles de l'empêcher de s'intégrer... et, soudain, la mâchoire de la communauté se referme sur elle pour ne plus la lâcher ! Dès lors, toutes les étapes du processus de lavage de cerveau subi par Sarah glacent le sang tout autant qu'elles fascinent par la façon dont elles sont conçues avec une apparente facilité pour briser leur victime et la séparer de son entourage. Les références à certains cultes sectaires contemporains sont évidentes (le décor californien et un écrivain obscur comme fondateur rappellent la dérive scientologue) mais le fait que celui du film soit approché comme une menace rampante, invisible aux yeux du commun des mortels et bien intégré dans un environnement familier explose clairement son compteur de dangerosité à l'écran. Enfin, David Marmor réussit en plus un périlleux numéro d'équilibriste sur le terrain de l'ambiguïté en laissant plusieurs fois le sentiment qu'une fois ce mode de pensée assimilé, il existe une possibilité pour qu'il porte ses fruits. Bien sûr, le rôle à venir de l'héroïne (ce côté beaucoup plus convenue qu'elle amène au film) et le regard porté sur les méthodes violentes d'embrigadement sont heureusement là pour prouver le contraire mais la porte laissée entrouverte sur l'ancienneté de la communauté et l'harmonie qui semble y régner pour ses membres pourtant bel et bien au contact de notre réalité diffusent une impression de malaise profond tout au long du film.
Il est donc dommage que le manque de personnalité et le déroulement basique de "1BR" le pénalisent pour être vraiment mémorable car David Marmor s'en sort admirablement bien pour tirer profit de son sujet, à la fois dans l'ambiance pesante qui en découle et la manière réfléchie d'en explorer toutes les suites à lui donner.
Dans l'impressionnant lot de films de genre comportant un "appartement" dans le titre, ce "1BR" mérite vraiment qu'on le visite !