En s’emparant de deux sujets d’actualité qui s’articulent pleinement à l’école, comprenons d’une part le harcèlement et ses variantes (cyberharcèlement notamment), d’autre part l’homophobie, 1:54 prolonge l’avertissement figuré par Xavier Dolan dans son clip pour Indochine, College Boy (2013) : le choix du comédien Antoine Olivier Pilon n’est pas dû au hasard, assure une continuité au combat par la présence de points communs tels la pratique sportive, le recours au téléphone portable ou encore l’amplification des violences vécue en chemin de croix par une victime sur laquelle la caméra jamais ne s’acharne. Dans le cas de Tim, il s’agit d’un élève passionné par la physique-chimie et soucieux de partager cet amour avec ses camarades, également sportif de haut niveau.
L’intelligence du long métrage tient alors au refus de toute victimisation théorique et exagérée par la mise en scène au profit d’un éloge de la persévérance et de la robustesse : il orchestre un changement de nature du harcèlement, qui passe de l’exercice d’une autorité injuste d’un collectif sur deux amis isolés à la peur d’un seul de voir sa puissance et sa notoriété entachées par la présence d’un rival. De passif, Tim devient actif et mute en concurrent véritable de Jeff : la course apparaît telle une vengeance, certes, mais également tel un moyen de faire revenir ceux qui ne sont plus là, à savoir Francis et la mère. Yan England laisse planer la présence spectrale du premier de sorte à brouiller les repères entre la réalité et la représentation du monde de Tim, emprunte ses cauchemars, ses fantasmes auxquels sinon le spectateur n’a aucun accès. L’adolescence est le royaume du secret, et le silence son langage : il faut la truchement de l’appareil pour rétablir la communication entre père et fils, à l’origine d’une très belle scène d’ailleurs.
Nous regretterons cependant une clausule programmatique qui signifie avec outrance l’intérêt initial pour la chimie et les expériences associées tout en témoignant d’un flottement manifeste, d’une hésitation quant à la marche à suivre de son récit. Reste un premier film réussi et prometteur.